III ) GAUCHE "RADICALE", "GAUCHE DE LA GAUCHE", "VRAIE GAUCHE".

Publié le par Xavier GARBAR

III ) GAUCHE "RADICALE", "GAUCHE DE LA GAUCHE", "VRAIE GAUCHE".III ) GAUCHE "RADICALE", "GAUCHE DE LA GAUCHE", "VRAIE GAUCHE".III ) GAUCHE "RADICALE", "GAUCHE DE LA GAUCHE", "VRAIE GAUCHE".

Comme constaté quelques lignes plus haut, il n'y a plus – sauf quelques groupuscules marginaux, plus proches de la secte que du parti politique – de gauche « révolutionnaire » en France ni d'ailleurs en Europe.

La croyance en la construction d'une société sans classe, où la propriété (du moins celle des moyens de production) serait abolie, où chacun recevrait selon ses besoins, où l'exploitation et l'aliénation des travailleurs auraient disparu peut aujourd'hui paraître désarmant de naïveté et d'irréalisme, mais des millions d'êtres humains y ont cru, en ont fait leur idéal, ont voué leur vie à cette cause, et nombreux sont morts pour elle. Cette foi en un avenir radieux, un paradis sur terre, qui a, tout bien réfléchi, pris pendant un siècle le relais de la religion, inspire à la fois respect et effroi.

Car pour parvenir à cet avenir radieux, nombreux furent ceux qui furent prêts à employer tous les moyens, des meilleurs aux pires. Pour être précis, la voie démocratique vers le socialisme n'a préoccupé que les révolutionnaires des pays où, comme en France, le peuple avait déjà conquis des droits, des libertés, le droit de vote, etc. Ailleurs, on se soucia fort peu de savoir si le passage au socialisme rencontrait l'assentiment de la majorité des habitants. Et les régimes qui s'établirent alors portaient dans leurs gènes les ferments des dictatures qui en résultèrent.

Force est de constater que les héritiers de cette tradition ont abandonné l'essentiel de l'héritage. Un regard bienveillant relèverait qu'il reste le dévouement à la cause des travailleurs, la foi en un progrès social radical, rapide, sans compromission.

C'est bien sûr ce que pensent les militants de cette gauche qui n'est plus révolutionnaire mais seulement « radicale », et s’autoproclame « gauche de la gauche ou vraie gauche.

Quel est donc leur projet de société ? A bien y regarder, c'est le même, à peu de chose près que celui des réformistes !

Quelles méthodes préconisent-ils ? La démocratie aussi, même si les luttes sociales, la confrontation sociale y prend plus de place.

Même projet de société : les projets de ces mouvements et partis :aile gauche du parti socialiste, parti communiste, écologistes d'EELV maintenue, Jean Luc Mélenchon, etc. ne comportent pas plus de transformation révolutionnaire que celui de la social démocratie. Tout juste un peu plus de nationalisations, des autoroutes, ou d'industries en difficulté pour les sauver. Un important secteur privé demeure dans une économie mixte où la gauche « radicale » voit le secteur privé plus contraint et encadré que les sociaux démocrates peut-être. Avec une confrontation plus rude peut-être avec les classes dominantes ou les voisins européens conservateurs-libéraux.

Mais on parle ici d'une différence de degrés, pas de nature.

Les accusations de trahison et de compromission portent essentiellement sur l'appréciation du point où est arrêté le curseur dans les compromis obtenus. Et dépendent largement des acteurs de la chose. Un accord d'entreprise signé par la CGT à la SNCF, c'est un bon compromis. Le même dans une autre entreprise signé par les seules CFDT, CFTC, CGC, UNSA, c'est une trahison de « vendus » au patronat.

La privatisation des autoroutes par un ministre communiste, c'est un compromis acceptable.L'ouverture au capital privé d'une autre entreprise publique pratiquée par un socialiste, c'est une compromission « social-libérale ».

En réalité, les politiques économiques et sociales constituent le seul vrai point de clivage. Ce que la "gauche radicale" reproche à la gauche réformiste, c 'est de ne pas ou de ne plus être une adepte fidèle d'une politique keynésienne volontariste de relance par la demande, augmentation du SMIC, et des salaires, revalorisation sensible des pensions, des traitements des fonctionnaires, des minima sociaux, augmentation des investissements publics, le tout financé en théorie par un prélèvement plus sévère des plus riches. Ces mesures doivent ainsi relancer massivement la consommation, donc les carnets de commandes des entreprises, donc l'emploi, donc les rentrées fiscales et sociales, donc la résorption des déficits publics temporairement consentis. C'est l'essence du keynésianisme, qui a l'extrême avantage de pouvoir traduire en programme économique toutes les revendications sociales et catégorielles.

On l'a déjà dit ailleurs, la gauche réformiste ne renie pas le raisonnement. Elle ne pense cependant pas que ces politiques, tellement populaires et faciles à exposer aux électeurs, soient efficaces et opérationnelles à l'échelle d'un seul pays, comme cela pouvait être le cas pendant les trente glorieuses quand les gouvernements avaient à leur disposition l'outil budgétaire, l'outil monétaire, la maîtrise de la politique industrielle, commerciale, de leur pays. A l'heure de la globalisation, des économies interpénétrées, de la dérégulation, dans le contexte d'une Europe qui a dessaisi les gouvernements des principaux outils opérationnels, une Europe trop libérale1 où le rapport de force politique penche largement en faveur du camp libéral conservateur, et même si les marges de manœuvre existent et n'ont pas été assez activées, les solutions d'hier ne sont plus pour les réformistes, aussi pertinentes. Leur mise en œuvre serait, selon eux, inefficaces, voire dangereuses. Déjà ce type de politique avait échoué en 1981, dans un contexte beaucoup moins contraint qu'aujourd'hui.

Le déploiement de politiques économiques progressistes doit, pour les réformistes, s'effectuer au niveau européen pour avoir une efficacité réelle. Ce n'est plus une différence de nature mais de terrain d'application.

Mais faire à 28 ce qu'on ne peut plus faire tout seul ne s'avère pas si facile. Il faut établir un rapport de force favorable, convaincre, négocier, et pour cela il faut pour être écouté être crédible, passer des compromis. Il faut forcément plus de temps.

Il reste vrai qu'en politique comme ailleurs, ce n'est pas parce que les choses sont difficiles qu'on ose pas, mais parce que l'on n'ose pas que les choses sont difficiles. Et la vocation de la gauche de la gauche ne serait-elle pas d'aider la gauche réformiste à "oser"?

En résumé, la gauche radicale ne présente aucune différence de nature avec la gauche réformiste. Elle ne constitue pas une véritable alternative. Même projet de société, même adhésion à la conquête démocratique du pouvoir, mêmes valeurs, même idéal. La différence tient essentiellement dans son appréciation des compromis consentis par la gauche réformiste, compromis qu'elle considère comme poussés trop loin. Son intransigeance, évidemment plus facile pour gagner la sympathie des militants les plus ardents, est d'autant plus grande qu'elle s'éloigne du pouvoir.

L'évolution du parti communiste et des écologistes en est un exemple flagrant. Au fur et à mesure que les rangs de leurs élus, parlementaires et élus locaux, s'éclaircissent, la ligne « dure » des militants de base gagne du terrain. L'ambiguïté de la position du PCF et d'EELV, qui campent sur une ligne politique radicale mais se refusent pourtant à rompre définitivement avec la possibilité d'alliances avec le PS démontre l'inconfort de la situation.

La gauche de la gauche, peut, selon la stratégie qu'elle prendra,

  • soit être « utile », en pesant sur la gauche réformiste, donc en s'incluant dans la gauche de gouvernement, en participant aux alliances, en cherchant à y grossir son influence, en faisant valoir sa différence, même vivement, mais « dans » une gauche rassemblée,

  • soit s'exclure - en contribuant par là-même à la détruire - de cette dynamique, se réfugier dans une posture tribunitienne confortable mais sans espoir de pouvoir accéder aux responsabilités (y compris dans l'hypothèse où ses résultats électoraux dépasseraient la gauche réformiste), et risquer au contraire en consacrant la division de la gauche de favoriser l'adversaire.

1 Je maintiens que la construction européenne s'est construite en dépit du bon sens, que la gauche social démocrate européenne a trop cédé aux conservateurs libéraux, que la politique ultra libérale de la commission dirigée pendant une décennie par la droite a entraîné l'Europe dans une politique austéritaire désastreuse pour l'emploi

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