Législatives de juin 2022- Accord NUPES : premier bilan

Publié le par Xavier GARBAR

Après les élections législatives de juin, il parait utile et possible de faire un premier bilan de l’accord que le PS a souscrit avec LFI, EELV, PCF dans la NUPES.

Etait-il souhaitable, quel jugement faut-il porter sur son contenu, sur les rapports de force à l’intérieur de l’alliance, quel résultat final peut-on constater, quels enseignements pour l’avenir en tirer ?

 

  1. Un accord souhaité par le « peuple de gauche »

En effet, avant de vérifier s’il était souhaitable, convenons qu’il était souhaité !

    • 81 % des électeurs de gauche y étaient favorables
    • 71% des électeurs du PS y étaient favorables
    • 66% des électeurs du PS pensent que les convergences sont plus fortes que les divergences entre les partis de la gauche

(Sondage Elabe-BFM TV- 3-4/05/2022)

 

J’ai personnellement reçu maints témoignages d’électeurs de gauche allant dans ce sens, soulagés de pouvoir voter à gauche sans avoir à choisir pour les uns, motivés car ayant enfin une perspective de victoire pour d’autres, ravis de voir le PS réintégrer clairement la gauche après des années de doute pour beaucoup, etc.

 

  1. Un accord controversé 

L’accord, approuvé le 26 mai par le Conseil National du     PS à plus de 62%,

  • Débouche sur un programme partagé, le programme de la NUPES (qui n’est pas, soulignons le, le programme de LFI et de JLM)
  • Prévoit des candidatures uniques de la NUPES dans presque toutes les circonscriptions, selon une répartition entre partis, établie principalement à partir des résultats de la présidentielle et secondairement en fonction d’autres critères comme l’implantation territoriale.

Il est néanmoins très critiqué,

  • par ses adversaires notamment la droite macroniste, ce qui n’est guère surprenant,
  • mais aussi au sein du PS, surtout par certains de ses anciens dirigeants. (François HOLLANDE, Bernard CAZENEUVE, Stéphane LE FOLL, JC. CAMBADELIS, Julien DRAY, …mais aussi quelques nouveaux : Carole DELGA ou Michael DELAFOSSE (Montpellier)…
  • Les reproches, les accusations des uns et des autres sont sévères :
    • Cette alliance serait contre-nature et signifierait un effacement du courant socialiste, une soumission du PS au «populisme», une trahison de ses valeurs, sur l’Europe, la Laïcité, la politique étrangère…

A l’inverse, d’autres personnalités socialistes, et non des moindres, mais surtout appartenant à la nouvelle génération de cadres se sont cependant déclarées favorables à cette alliance, même si elles ont émis des réserves sur certains points : Ainsi Lionel JOSPIN, Martine AUBRY, Johanna ROLLAND (Nantes), Mathieu Klein (Nancy), Benoit PAYAN (Marseille), Nathalie APPERE (Rennes), Olivier BIANCHI (Clermont-F), Stéphane TROUSSEL (CD 93), Cédric VAN STYVENDAEL (Villeurbanne), Nicolas MAYER-ROSSIGNOL (Rouen)…

 

  1. Pour y voir plus clair

Pour y voir plus clair, le mieux n’est-il pas de se référer aux textes adoptés, qui engagent ceux qui les ont signés ? Et comparer :

 

  • Sur l’Europe : sur quoi le PS s'est engagé:

Extraits de l’accord PS-LFI et/ou du programme de la NUPES :

 « Le gouvernement que nous formerons pour cette législature ne pourra avoir pour politique la sortie de l’Union, ni sa désagrégation, ni la fin de la monnaie unique. Notre objectif sera d'entraîner d'autres États avec nous afin de contribuer en tant que gouvernement à réorienter les politiques européennes et à modifier durablement les règles et traités européens incompatibles avec notre ambition sociale et écologique légitimée par le peuple. »

« La France insoumise, héritière du non de gauche au Traité constitutionnel européen en 2005, et le Parti socialiste, attaché à la construction européenne et à ses acquis dont il est un acteur clé, ont des histoires différentes avec la construction européenne. Mais nous partageons un objectif commun : mettre fin au cours libéral et productiviste de l’Union européenne et construire un nouveau projet au service de la bifurcation écologique et solidaire. (Accord PS-LFI)

  • « Si certaines règles européennes sont des points d’appui, chacun constate aujourd’hui à quel point d’autres, et non des moindres, sont en décalage avec les impératifs de l’urgence écologique et sociale. À l’occasion de la crise sanitaire, certaines règles budgétaires et sur la concurrence ont été suspendues. Une brèche a été ouverte dans laquelle nous devons nous engouffrer pour obtenir des changements de grande ampleur.  »

« Du fait de nos histoires, nous parlons de désobéir pour les uns, de déroger de manière transitoire pour les autres, mais nous visons le même objectif : être en capacité d’appliquer pleinement le programme partagé de gouvernement et respecter ainsi le mandat que nous auront donné les Français. »

  • La mise en œuvre de notre programme partagé conduira nécessairement à des tensions, à constater des contradictions. Il nous faudra dépasser ces blocages et être prêts à ne pas respecter certaines règles, tout en travaillant à les transformer, en particulier les règles économiques, sociales et budgétaires comme le pacte de stabilité et de croissance, le droit de la concurrence, les orientations productivistes et néolibérales de la Politique agricole commune, etc.
  • Nous ne serons ni les premiers ni les derniers à le faire, en France comme en Europe (Espagne sur les prix de l’énergie, Allemagne sur la mise en concurrence des entreprises de l’eau potable, Portugal sur les aspects économiques et budgétaires, etc.). Nous le ferons dans le respect de l’État de droit et en combattant fermement les attaques contre les libertés fondamentales des gouvernements d’extrême droite hongrois et polonais…

         (Accord PS-LFI et programme NUPES)

 

Comparons maintenant avec les textes de référence du PS

Extraits des textes officiels du PS sur l'Europe:

  • Projet du PS « Il est temps de vivre mieux » (août-Septembre 2021) :

« … la transition écologique … commande une reprise en main par la politique, de l’économie trop longtemps dominée par le capitalisme financier et la globalisation, elle implique d’inventer un nouveau régime de croissance décarbonée.

Elle appelle des investissements publics massifs de long terme pour financer les transformations des infrastructures de nos entreprises et de notre industrie, pour soutenir les secteurs clefs de la transition écologique, relocaliser ce qui doit l’être, garantir notre souveraineté industrielle et assurer la solidarité.

avec nos alliés en Europe et dans les collectivités qui sont en première ligne, nous nous battrons pour …de nouvelles régulations, une finance véritablement responsable et de nouveaux accords commerciaux pour en finir avec la logique du moins-disant social et environnemental : nous promouvrons une nouvelle génération de traités et nous conditionnerons les aides de l’État au respect de contreparties environnementales et sociales. »

 

…« Nous voulons pour l’Europe un nouveau projet collectif. Les récits fondés sur la garantie de la paix après la Seconde Guerre mondiale, et sur la prospérité apportée par le marché et la monnaie unique, ne fonctionnent plus car ils sont sans prise sur ce que vivent les citoyens, confrontés aux crises à répétition, financières, économiques, sociales, sanitaires et écologiques. Il revient aux socialistes européens de proposer ce projet.

« Plus que jamais la gauche est l’avenir de l’Europe. En effet, le libéralisme dominant a conduit, sous l’emprise de majorités de droite, à l’austérité, à la libre concurrence sans limite, à la régression sociale et à la rupture avec les peuples. Le libéralisme a fait le lit du repli sur soi et des égoïsmes nationaux, il a favorisé la montée du nationalisme et du populisme qui ont montré au pouvoir leur impuissance et souvent leur inféodation aux ennemis de l’Europe. »

 … « Nous voulons réorienter la construction européenne. Un nouveau projet passera à terme par une révision des traités, mais celle-ci n’aurait de sens que menée par une majorité de gauche en Europe. Mais il est possible d’engager beaucoup d’actions nouvelles et d’infléchir le cours de l’Europe dans le cadre des traités existants.

…« Nous voulons une nouvelle gouvernance économique de l’Union dont le préalable est le refus, après la crise de la Covid-19, du retour au pacte de stabilité fondé sur les critères de Maastricht qui signifierait le retour à l’austérité.

…« L’économie était hier au service du projet libéral, elle doit demain être mise au service d’un nouveau projet de société social et écologique. Ces nouveaux indicateurs doivent être placés au cœur de la gouvernance économique de l’Union »

Extraits du programme d’Anne Hidalgo :

Proposition N° 59:

 « Adapter les règles budgétaires de l’UE aux défis du XXIe siècle.

 « Les règles budgétaires européennes ne doivent plus conduire à l’austérité et être une entrave à la transition écologique et aux investissements d’avenir.

« Je porterai la modernisation de la gouvernance économique européenne, qui doit demeurer un cadre commun, en mettant fin au pacte de stabilité et de croissance (PSC) au profit d’un pacte de progrès aux règles compréhensibles de tous les citoyens, adaptées à la situation économique de chaque État et favorisant l’investissement.

« Pour être à la hauteur de l’enjeu, l’Union doit être dotée de nouvelles ressources propres afin que son budget soit renforcé : taxe sur les transactions financières et sur les géants du numérique, contribution carbone aux frontières, recours à une fraction de TVA et de l’impôt sur les sociétés permettront de ne plus reposer majoritairement sur les contributions nationales. »

…et même de celui de François Hollande en 2012 ( !)

« Je veux réorienter la construction européenne :

  • « Je proposerai à nos partenaires un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance pour sortir de la crise et de la spirale d’austérité qui l’aggrave.
  • « Je renégocierai le traité européen issu de l’accord du 9 décembre 2011 en privilégiant la croissance et l’emploi, et en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne dans cette direction.
  • « Je proposerai également une nouvelle politique commerciale pour faire obstacle à toute forme de concurrence déloyale et pour fixer des règles strictes de réciprocité en matière sociale et environnementale. »

 

Examinons maintenant le contenu des textes scellant l’alliance de la NUPES sur les autres sujets controversés, textes sur lesquels tous les signataires se sont engagés dvant leurs électeurs.

  • Sur la Laïcité

Extraits de l’accord PS-LFI:

« La défense de la République laïque et universaliste, la protection de la liberté́ de conscience et d’expression, une action résolue contre le racisme, l’antisémitisme et toute forme de discrimination et le combat contre les communautarismes et l’usage politique des religions

Extraits du programme de la NUPES :

  • « Garantir la liberté de conscience et la laïcité
  • « Défendre la République indivisible, laïque, universelle, démocratique, sociale et écologique
  • « Protéger la liberté de conscience et d’expression, combattre tous les communautarismes et l’usage politique des religions
  • « Engager un vaste plan de formation des fonctionnaires à la laïcité, aux principes juridiques de la loi de 1905, renforcer la pédagogie de la laïcité dans l’Éducation nationale
  • « Garantir la possibilité d’un accès effectif à l’école publique laïque pour chaque commune du pays »

 

  • Sur l’Ukraine

Extraits de l’accord PS-LFI:

 « …dans un contexte international de tensions et de guerre sur le continent européen et face aux atrocités décidées par Vladimir Poutine, nous défendons la souveraineté et la liberté de l’Ukraine.

Extraits du programme de la NUPES :

« Défendre la souveraineté et la liberté de l’Ukraine et du peuple ukrainien ainsi que l’intégrité de ses frontières, dans un contexte international de tensions et de guerre sur le continent européen et face aux crimes de guerre décidés par Vladimir Poutine

 

  • Sur l’OTAN et la politique étrangère

Extraits du programme de la NUPES :

« Dans le cadre des institutions de la Ve République, le Président négociant et signant les traités, aucun gouvernement ne peut prendre des décisions de cette nature sans lui. Il est par ailleurs entendu que l’intérêt national commande que la France parle au monde d’une seule voix. Pour autant, le débat doit avoir lieu avec lui. Les positions sont les suivantes.

  • « La France insoumise proposera le retrait immédiat de la France du commandement intégré de l’OTAN puis, par étapes, de l’organisation elle-même. Elle défendra l’idée d’engager la formation d’une nouvelle entente altermondialiste.
  • « Le Parti communiste français soutiendra le retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN, puis sa dissolution. Il proposera que la France soit à l’initiative d’une conférence pan-européenne en vue d’un espace commun de paix et de sécurité collective en Europe
  • « Europe Écologie-Les Verts et le Parti socialiste soutiendront le renforcement de la coopération militaire au niveau de l’Union européenne, la création d’un commandement militaire opérationnel européen, ainsi que l’intensification des livraisons d’armes à l’Ukraine et la mise en place d’un embargo total et immédiat sur les importations russes de pétrole, de charbon, de combustible nucléaire et de gaz.
  • « Le Parti socialiste sera favorable au maintien de la France dans l’OTAN.

Je laisse le lecteur qui aura bien voulu faire l'effort de lire ces lignes (voire d'aller vérifier lui-même dans les textes cités) juger du bien fondé des positions des uns et des autres dans la controverse. 

  1. L’accord électoral – Les résultats

 

L’accord prévoyait, sur la base des résultats de la Présidentielle et de l’implantation territoriale des partis, une répartition des candidats NUPES entre chaque parti.

Voici le récapitulatif des candidats, de leur résultat et du nombre d’élus de chaque groupe parlementaire :

LFI:                           326 candidats –  216 au 2-ème tour - 75 élus

EELV:                        100 candidats -    76 au 2-ème tour -  23 élus

Parti socialiste :      68 candidats -    54 au 2-ème tour -  31 élus

Parti communiste: 50 candidats   –  32 au 2-ème tour – 22 élus

                                              (12 PC + 10 élus div. G. ultra-marins)

 

Le PS conserve un groupe, obtient même un groupe plus important qu’en 2017 (31 vs 28)

Il est présidé par Boris VALLAUD, député des Landes

 

Premiers enseignements

Essayons, malgré le manque de recul, de tirer de premiers enseignements de ces résultats :

        Les points négatifs :

  • -Evidemment et d’abord le score très (trop) élevé de l’extrême droite: 42% des voix au 2-ème tour de la Présidentielle, et 89 députés à l’issue des législatives.
  •  
  • -L’abstention record et la désaffiliation civique de nombre de jeunes et des électeurs des classes populaires
  •  
  • -La défaite finale de la gauche et sa faiblesse électorale
  •  
  • Des points positifs :
  •  
  • -La dynamique relancée de l’union de la gauche qui a permis de franchir le premier tour dans de très nombreuses circonscriptions
  •  
  • -La réinsertion du PS dans la gauche
  •  
  • -Le maintien et léger renforcement du groupe PS
  •  
  • Autres enseignements :
  •  
  • Je risquerais, à titre personnel quelques pistes supplémentaires :
  •  
  • Le désaveu des électeurs à l’égard des candidats « dissidents » (4 élus seulement sur 70), confirmant l’accord de l’électorat de gauche avec la stratégie d’union.
  • Le médiocre résultat final de la France Insoumise (75 élus pour 326 candidats), conséquence de sa faible implantation territoriale…et de choix maladroits des candidats désignés sans tenir assez compte des réalités de terrain.
  • Le choix intelligent de JLM, faisant appel à l’union (La NUPES) pour les législatives.
  • A l’inverse, la contestable campagne de LFI axée sur sa personnalité (« JLM 1er ministre ») qui a fait perdre autant de voix qu’elle en a (peut-être) gagnées.
  • Une nouvelle défaite, (et la troisième consécutive) pour JLM
  • La difficulté (impossibilité ?) confirmée pour la gauche de gagner quand elle est dominée par sa composante la plus radicale ?
  • La somme des députés PS (31) + EELV (23) + PCF (22) est légèrement supérieure à celle de LFI (75) … de quoi rassurer ceux qui craignaient l’hégémonie de LFI…

 

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