II - Ecologie
Social, Ecologie, (mais aussi) République
II - Ecologie
Loin de n’être qu’une pathétique tentative de récupération d’une thématique à la mode, l’intégration de l’exigence écologique dans le combat de la gauche est une obligation autant morale que rationnelle.
Tout comme elle avait réalisé, à l’aube du XXème siècle, la synthèse entre libéralisme politique issu de la Révolution française et Socialisme porteur des aspirations des salariés, entre Socialisme et République, évènement historique incarné par Jaurès après l’affaire Dreyfus, le devoir historique de la gauche du XXIème siècle est de réussir une nouvelle synthèse de même dimension entre Socialisme et Ecologie
Transition écologique et poursuite d’une politique ultra libérale sur la planète, celle-là même qui est très largement responsable de la dramatique aggravation ces dernières décennies de la situation actuelle, sont rigoureusement incompatibles.
Qui, en effet peut croire que les formidables défis qu’il faudra relever pour combattre le réchauffement climatique, l’extinction des espèces, la pollution des terres, etc. pourraient l’être durablement et à l’échelle planétaire par ceux qui mettent en avant la seule loi du profit ou les égoïsmes nationaux ?
Pour être efficaces, les profondes réformes nécessaires, dans le domaine énergétique par exemple, devront être menés dans le cadre de politiques publiques volontaristes, démocratiquement décidées par les habitants si possible, et dépassant le seul cadre des collectivités et des Nations, et non laissées dans les mains de multinationales dont le seul mobile est la recherche du profit à court terme, ou ce qui revient au même aux forces politiques qui n’ont d’autres but que de favoriser ces dernières
La réussite de la transition écologique s’avère donc incompatible avec le maintien de l’hégémonie idéologique du néo-libéralisme et nécessitera une volonté politique à toute épreuve pour déconstruire l’économie mondialisée actuelle et en bâtir une nouvelle, plus juste et respectueuse des équilibres naturels.
Il ne s’agit évidemment pas de revenir aux funestes utopies communistes autoritaires du XXème siècle. L’économie de marché n’est pas forcément un problème, à condition d’être encadrée par des lois, des structures, des procédures, protégeant les êtres humains comme l’ensemble du vivant et de la planète qui les accueille. C’est l’essence même de la social-démocratie. Et sa nouvelle feuille de route.
Allier écologie et progrès social est aussi la condition de la réussite de la transition écologique.
Le succès de celle-ci, qui va demander une modification profonde et durable des comportements sociaux du plus grand nombre, implique en effet une prise de conscience massive des populations, qui ne se réduise pas à celle des couches urbaines intellectuelles, comme c’est encore largement le cas.
Les réformes nécessaires et les modifications des habitudes dans les domaines du transport automobile, des économies d’énergie, du chauffage, de l’alimentation, devront obligatoirement s’accompagner de mesures sociales fortes, de réduction drastiques des inégalités sociales et territoriales.
La transition écologique doit être étroitement associée dans l’esprit du plus grand nombre à un progrès social, à une amélioration des conditions de vie. Elle ne doit pas être ressentie – à tort ou à raison – comme une repentance et une punition collectives par des couches sociales qui ont déjà trop souffert les dernières décennies des politiques néolibérales. Elle doit donc être accompagnée, constituée, par d’importantes mesures sociales visant à réduire les inégalités qui se sont creusées dans les trois dernières décennies.
C’est sur ces thématiques (politique écologique incompatible avec le libéralisme économique, réformes écologiques justes et non punitives, services publics améliorés, etc.) que la gauche républicaine peut, et peut-être mieux que le courant écologiste, rassembler en faveur de l’écologie des couches sociales qui lui restent, sinon hostiles du moins peu concernées. A condition évidemment que soient réalisées dans le même temps le retour au social évoqué plus haut !
Cette « mission » de la gauche « républicaine » est d’autant plus importante que la droite et l’extrême droite utilisent, et utiliseront de plus en plus, des arguments démagogiques, prenant prétexte de certaines dérives extrémistes, pour discréditer l’écologie et s’opposer en fait à des réformes indispensables mais qui nuiraient aux intérêts qu’ils représentent.
Les socialistes doivent ainsi intégrer à leur logiciel la question écologique.
On pourrait certes affirmer que rien n’est moins original, tant l’écologie est en passe d’intégrer les programmes de tout l’éventail politique, comme on l’a constaté dans les programmes municipaux des différentes forces politiques. Les lignes qui précèdent ont essayé de démontrer qu’au-delà des vœux pieux et vertueux que chaque force politique s’efforce aujourd’hui de présenter, une véritable politique écologique est incompatible avec l’idéologie dominante de certaines d’entre elles, libéralisme économique de la droite (l’ancienne comme la macronienne) et nationalisme identitaire de l’extrême droite.
On pourra aussi expliquer que le mouvement « écologiste » et en premier lieu son incarnation actuelle dans le parti « Europe Ecologie Les Verts » (EELV) est le mieux placé pour porter le combat écologique, que les citoyens préfèreront l’original à ceux qui se sont ralliés plus tardivement à cette cause. C’est d’ailleurs ce que semblent indiquer les résultats des dernières élections, surtout celles à portée nationale, qui placent en tête EELV devant les divers partis de la gauche, même si l’avantage reste modeste et qu’il se dégage dans un contexte d’abstention massive (et même majoritaire).
Il est juste de reconnaître que l’apport de la mouvance écologiste à la pensée et l’action politique est incontestable. Les écologistes ont joué un rôle positif dans la prise de conscience du changement climatique, des dégâts causés par l’activité humaine aux équilibres naturels et de l’urgence d’une politique proactive pour réaliser une transition vers une économie plus respectueuse et responsable pour la planète et les générations futures. C’est beaucoup.
Mais comme on l’a observé plus haut, le mouvement écologiste ne semble pas en mesure de rassembler autour de lui un bloc social et culturel majoritaire. Sa base sociale est étroite et reste pour l’heure circonscrite aux CSP + des grandes villes et métropoles. Les écologistes rétorqueront qu’ils sont en phase d’ascension et que leurs idées se diffuseront bientôt dans les autres couches sociales. C’est possible, si leur programme allie, comme nous l’avons préconisé, volontarisme économique et transition écologique, social et écologie et s’ils savent se défaire de certaines postures souvent perçues comme négatives par les couches populaires et moyennes, et pas seulement rurales ou périurbaines. C’est déjà, j’en suis convaincu, le souhait de nombre de militants. Pas sûr cependant que ce soit le cas de tous les écologistes et de tous leurs dirigeants. Car EELV n’est pas homogène.
Passons sur le fait que nombre d’entre ses fondateurs ou dirigeants soient en quelques années passés peu à peu de la gauche, voire de l’extrême gauche, à la droite libérale[1].
Plus inquiétante sans doute est l’insistance de certains de ses dirigeants à faire du clivage « Productivistes contre Ecologistes »[2] le clivage principal, devant le ringard « droite-gauche », que certains n’hésitent pas à déclarer obsolète. L’ambiguïté est sans doute plus ou moins cultivée afin de conférer au mouvement écologiste un rôle de rassembleur et de mouvement dépassant le vieux clivage. Cette tentation « macronienne » effleurerait-elle certain leader qui se voit déjà en haut de l’affiche ?
D’autre part le mouvement écologiste ne se résume pas à l’écologie. Hétérogène, il porte dans son ADN d’autres ingrédients idéologiques, issus pêle-mêle du mouvement libertaire, du socialisme utopique, du régionalisme, du christianisme social, de la culture de l’extrême gauche américaine aussi, etc. dont certains peuvent nous poser question en tant qu’ils ne s’harmonisent pas toujours, quand ils ne s’y opposent pas frontalement, avec notre matrice républicaine, qui est aussi –c’est notre conviction – celle de la majorité du peuple français.
Le rapport à la science de certains écologistes heurte de plein fouet notre vision du progrès, de la science, de la recherche : positions anti-vaccins de certains dirigeants notoires, confusion et incapacité à différencier l’hostilité (légitime) à diffuser commercialement des produits OGM sans prudence et la recherche scientifique toujours utile d’organismes publics sur ces domaines, positions tranchées, sans bases scientifiques avérées, sur des questions non résolues comme la nocivité ou non des ondes électromagnétiques (5G, compteurs Linky, etc.)
L’hostilité viscérale, de nature quasi religieuse, vis-à-vis du nucléaire pose également problème pour une force politique qui s’affirme capable aujourd’hui d’assurer la gestion de notre pays. Le nucléaire a des défauts (déchets dont la nocivité est un problème pour les générations futures, coûts croissants liés à la sécurité, risques d’accident, etc.), qu’il faut cependant comparer aux défauts des autres sources d’énergie, tout aussi problématiques. Il a des qualités, il n’émet quasiment pas de gaz à effet de serre et peut donc être considéré comme utile, voire indispensable, au moins provisoirement, dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il est pilotable et peut répondre instantanément à la demande ce que ne sont pas les énergies renouvelables, intermittentes, et donc tributaires de compléments à chercher …dans les énergies fossiles. Et il assure l’indépendance énergétique du pays, notion qui n’est peut-être pas une préoccupation majeure des écologistes…
Mais surtout, et là est le véritable problème, on peut bien considérer que la suprématie du nucléaire décidée dans les années 1970 était une erreur, mais la réalité à laquelle il faut faire face, c’est qu’il existe, qu’il constitue aujourd’hui la source principale d’ énergie française et qu’il faut gérer l’existant. La gestion des centrales et leur sécurité, l’enfouissement des déchets et leurs traitement, la responsabilité des milliers de travailleurs qui y sont employés…Et là, plus question d’actions puériles, sinon débiles, le mot n’est pas trop fort, comme pénétrer illégalement dans les centrales, ou s’opposer à la circulation des trains de déchets ou à la création de site d’enfouissement … !!!
D’autres problèmes, tout aussi importants, peuvent être évoqués :
- la fragile adhésion (compréhension ?) des écologistes aux valeurs cardinales de la République : universalisme, laïcité, etc.
- la complaisance, quand ce n’est pas la complicité, de membres d’EELV, et pas des moindres, avec les mouvements « indigénistes », « racialistes », « décoloniaux », en réalité racistes et hostiles à la République et à la notion de valeurs universelles,
- la « compréhension » inquiétante ici et là avec les revendications communautaristes, identitaires (voile, burkini, piscines non mixtes, etc.),
- certaines formes d’activisme aussi , tout droit venus de l’extrême gauche américaine et de la « cancel culture », utilisant les actions coup de poing, les dénonciations sans précaution, voire le harcèlement sur les réseaux sociaux, etc. s’ils ne concernent sans doute pas tout le mouvement écologiste, très hétérogène, ne laissent pas d’être inquiétants.
En tout cas, ces positions, ces postures, ces comportements qui polluent ( !) la mouvance écologiste, et qui ne sont pas sans lien sans doute avec sa composition sociologique, n’aident pas à imaginer que ce mouvement politique soit en capacité de rassembler une majorité de citoyens
[1] De Waechter à Cohn-Bendit, en passant par Benhamias, Durand, De Rugy, Pompili, Canfin,… mais il est vrai que la social-démocratie n’a pas beaucoup de leçons à donner sur ce thème depuis la scission macroniste de ses éléments droitiers)
[2] « Productivistes (les méchants, de droite comme de gauche) contre Ecologistes (les gentils, de droite comme de gauche ?)»