UN PEU DE SANG FROID SVP!

Publié le par Xavier GARBAR

 

Le-Hollande-bashing-de-2012-est-il-plus-virulent-que-le-Sar.jpgLe sport à la mode ces derniers temps, à droite évidemment, et c’est bien normal, à gauche ensuite, notamment du côté du front de gauche, mais pas seulement, dans la presse de droite et hélas surtout « de gauche », consiste à dénigrer systématiquement les faits et gestes du président Hollande et de son gouvernement.

 

Hollande-Le-point.jpegSi l’on a parfaitement le droit de désapprouver les choix du gouvernement on ne peut en revanche parler à tout moment de « reniements », de renoncements voire de « trahison », quand il s’agit de décision conformes au projet présidentiel de François Hollande.

 

Le bilan de l’application des 60 propositions du candidat Hollande après une année (seulement !) d’exercice du pouvoir est facile à établir. L’Elysée et plusieurs organes de presse l’ont publié. J’invite chacun à faire l’effort de s’y reporter.

On y constate qu’un tiers environ des mesures ont été d’ores et déjà décidées et appliquées, qu’un autre tiers est en cours et qu’un troisième tiers reste à faire (mais il reste 4 ans !).

Ce n’est pas si mal, en termes de calendrier et de respect des engagements.

 

Que l’on puisse juger que ces mesures sont insuffisantes, trop timides,Hollande Express inappropriées, c’est bien légitime, mais que l’on écrive à chaque page que le gouvernement trahit ses engagements est, au mieux une inexactitude, au pire un mensonge.

Ainsi François Hollande n’a jamais promis une hausse généralisée des salaires du privé et des traitements des fonctionnaires. Il n’a jamais promis d’augmenter les effectifs de la fonction publique (mais de créer 60 000 emplois dans l’Education nationale en maintenant globalement les effectifs d’agents publics), il n’a jamais promis que le chômage allait disparaître comme par enchantement du jour au lendemain. Au contraire, il a même dit et écrit que la France était confrontée à une crise profonde, que les déficits creusés par la droite durant les dix années précédentes ne pouvaient être acceptés et encore moins aggravés. Le redressement d’abord, la redistribution dans un second temps. Voilà ce à quoi il s’était engagé. Faire croire le contraire n’est guère sérieux.

 

Le redressement de notre pays sera nécessairement long.

La hausse continue du chômage est le résultat de plusieurs causes cumulées : austérité généralisée menée par les gouvernements conservateurs européens depuis des années menant à la récession dans la zone euro, difficulté d’accès au crédit pour les PME, baisse de compétitivité de l’industrie française, confrontée à la concurrence de pays à bas coût de main d’œuvre, monnaie unique surévaluée en raison de l’option libérale retenue par la banque centrale européenne, absence de politique commerciale de protection européenne, développement des emplois précaires (CDD abusifs, explosion de l’intérim) premiers touchés par les suppressions d’emploi, inefficacité de la formation professionnelle qui profite plus aux emplois stables qu’aux chômeurs, faiblesse voire absence du dialogue social dans les entreprises qui pousse les partenaires sociaux à l’affrontement plutôt qu’au compromis, etc., la liste est longue et les conséquences ne peuvent en être supprimées par miracle.

A chacune de ces causes, le président et le gouvernement ont apporté déjà de premières réponses :

- D’abord en se faisant dès le début du quinquennat le porte parole d’une réorientation de l’Europe en faveur de la croissance. Cette action sera longue et difficile, car la première puissance économique européenne, l’Allemagne conservatrice d’Angela Merkel, s’y oppose fermement. Mais même si on peut estimer que le complément sur la croissance, ajouté au traité européen sur la demande de la France, est insuffisant, l’effort commence à porter ses fruits. Aujourd’hui, le FMI, l’OCDE, la commission européenne elle-même, ainsi que les gouvernements hollandais et italiens, auxquels on peut ajouter les socialistes allemands, plaident, comme la France, pour une politique de relance en faveur de la croissance. La banque centrale européenne abandonne peu à peu la ligne ultralibérale fondatrice issue de la Bundesbank et vient de baisser massivement ses taux d’intérêt. Le rapport de force est en train de se constituer, grâce à la France, derrière la France, seconde puissance économique et première puissance militaire du continent sans laquelle aucune inflexion de la politique européenne n’est possible.

- Tous les économistes, y compris ceux qui préconisent une politique volontariste de croissance, savent qu’aucune politique de relance n’est possible au seul niveau national. Elle aurait tôt fait en effet d’augmenter massivement les importations, de creuser le déficit commercial, de provoquer une hausse massive des taux d’intérêt, asphyxiant rapidement la production et aggravant encore le chômage et les déficits publics. Par contre une telle politique est possible et hautement souhaitable au niveau du continent européen. D’où la nécessité de créer en Europe cette dynamique en faveur de la croissance, de l’investissement, de l’emploi. La France est seule en mesure d’en constituer le leadership, à la condition de rester crédible vis-à-vis de nos interlocuteurs, partenaires européens et marchés financiers. D’où la rigueur et le sérieux budgétaire, certes difficile, mais qu’il est malhonnête de confondre avec les politiques d’austérité menées en certaines contrées européennes avec baisses des salaires, des pensions, réduction brutale des effectifs publics, etc.

- En créant la banque publique d’investissement, destinée à faciliter le financement des entreprises désireuses d’investir, en se battant, pied à pied pour trouver des solutions aux entreprises en difficulté, en promouvant les filières industrielles innovantes, en privilégiant le « made in France », en créant, conformément aux préconisations du rapport Gallois, véritable homme de gauche, un pacte de compétitivité allégeant comme jamais cela n’avait été fait, les charges des entreprises, en permettant un dialogue social et en pénalisant le recours aux contrats courts, le gouvernement mène une politique globale cohérente de reconquête industrielle.

 

Toutes ces mesures, nécessaires pour créer de la croissance et de l’emploi durable, ne peuvent produire des effets à court terme. (D’ailleurs, aucune politique quelle qu’elle soit – et je défie quiconque de démontrer le contraire – ne serait aujourd’hui en mesure de retourner rapidement la tendance à la dégradation de l’emploi, tant est grande l’inertie des mouvements à l’œuvre dans l’appareil économique).

 

Donc il faut du temps, de la persévérance, du sang froid.

 

Et il en faut dans le contexte politique actuel.

Ce gouvernement se heurte évidemment d’abord aux lobbies patronaux, à la droite conservatrice, aux élites médiatiques adeptes dans leur immense majorité des thèses ultralibérales qui, tous, considèrent la gauche au pouvoir comme illégitime.

Ainsi on a droit chaque jour, et avec le développement de la presse numérique, plusieurs fois par jour, aux « unes assassines » contre le président et le gouvernement. Chaque désaccord, chaque nuance, chaque difficulté – et quel gouvernement, quelle municipalité, quelle direction d’entreprise n’en connaît pas ? – sont amplifiés, développés, commentés jusqu’à la nausée. Les difficultés de la presse, en quête de lecteurs ou d’audimat, rajoutent encore au tableau : qu’importe la déontologie, l’éthique professionnelle, ou les convictions initiales de la rédaction, les journaux et magazines recherchent le « buzz », quel qu’il soit, du moment qu’il tape sur la politique en général et le président ou son gouvernement en particulier, parce que générateur d’audience et donc de recettes.

Ajoutons à ça le développement massif des réseaux sociaux, face book, twitter & Cie, qui démultiplient de façon inimaginable il y a encore quelques années, la diffusion, l’audience, des nouvelles de toutes sortes.

Dans le domaine de l’information comme de la consommation des biens et services, chacun est aujourd’hui adepte de l’immédiateté, du résultat dans la minute, de la réponse instantanée à chaque besoin, chaque demande.

 

Tout cela se heurte violemment évidemment au temps long des politiques publiques.

 

Confrontés aux difficultés sociales, chômage, précarité, peur de l’avenir, faible pouvoir d’achat des salaires et pensions, la grande majorité de nos concitoyens est naturellement perméable à ce raz de marée médiatique qui l’entraîne vers le désespoir, la défiance et parfois le dégoût de la politique et de toute action collective.

 

Car face à ce déferlement d’hostilité et de défiance, il est bien difficile de faire entendre sa voix.

Rester à l’écoute du monde mais conserver le cap, ne pas se laisser impressionner par l’écume des jours, s’exprimer certes, quand il le faut, mais en restant solidaire, travailler, expliquer, expliquer encore et …garder la tête froide, voilà ce qu’on peut recommander à tous ceux qui espèrent en la gauche au pouvoir.

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