REFONDER LA GAUCHE

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B DelacroixLiberteGuidantLePeuple
La gravité de la crise du capitalisme et l’urgente nécessité de mettre fin, en France, au
sarkozysme et à son entreprise de démolition de la république impose à la gauche de
construire une nouvelle étape de son histoire. Cette « refondation » passe par l’articulation de
deux composantes : un projet et une stratégie.

I - Quel projet pour la France ?

A l’évidence, les ravages provoqués par la crise du capitalisme financier démontrent la faillite
des politiques libérales (libre-échange généralisé, mise en concurrence des systèmes sociaux,
chômage de masse, précarité, montée scandaleuse des inégalités, recul des services publics,
etc.) et la nécessité d’une régulation renforcée et du retour de l’intervention publique dans
l’économie.

L’impasse social-libérale.

La social démocratie européenne a, dans les vingt dernières années, largement intériorisé
l’idéologie libérale et accompagné sa mise en oeuvre. Cette conversion aux règles de
l’adversaire s’est, hélas, faite largement sous couvert de la construction européenne.
De concession en concession, sous prétexte de ne pas bloquer le progrès de la construction
européenne, et dans l’espoir toujours repoussé d’obtenir des avancées sociales (la fameuse
« Europe sociale ») en contrepartie de l’ouverture au marché de secteurs toujours plus
nombreux de l’activité humaine, la social-démocratie a accepté de mettre à mal le modèle
social européen, participé à la mise en péril des services publics, et abandonné de fait toute
volonté de construire un autre modèle de société, se contentant d’essayer d’atténuer les effets
les plus dévastateurs sur le tissu social de la mondialisation financière.
Aujourd’hui elle est partout en difficulté, les peuples européens, et notamment les classes
populaires, soucieux de protection, ne voyant pas, et pour cause, d’alternative dans les partis
sociaux-démocrates.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la poursuite par des partis « socialistes » de
politiques libérales aggraverait encore la condition des classes populaires, avec le risque de
rejeter définitivement celles-ci dans le désespoir et/ou le populisme.
Il serait donc criminel et pour tout dire grotesque de promouvoir à nouveau, pour la gauche,
un projet d’essence social-libérale comme le préconisent pourtant avec une étonnante
constance dans l’erreur les éditorialistes de la presse dite de gauche(1 ) (Le Monde, Libé,
Nouvel. Obs., etc.), qui ne se sont sans doute pas rendus compte qu’on avait changé de
siècle…L’histoire sera probablement sévère avec la gauche de ce début du XXI ème siècle si
elle succombe à nouveau aux sirènes libérales.
Bien au contraire, le projet que doit porter une gauche digne de ce nom doit renouer
avec le peuple et avec la république.

Renouer avec le peuple

La coupure actuelle entre la gauche et une grande partie des couches populaires est un
non sens.
Face à la droite qui défend les intérêts des classes dominantes, la gauche, par essence, doit
représenter les autres groupes sociaux, et d’abord les plus défavorisés.
Les élites économiques trouvent en effet sans peine des représentants dans la sphère
politique, et la frontière à ce niveau entre champs politique et économique est
particulièrement perméable (voir à ce sujet le véritable roman social des « amitiés
présidentielles »). C’est la fonction de la droite, qu’elle assume aujourd’hui sans complexe.
Il en est tout autrement de la représentation des classes populaires, par définition éloignées au
départ des cercles dirigeants, du savoir, de la culture, des réseaux de décision, et donc de
l’expertise nécessaires à l’exercice du pouvoir. Toute la noblesse du mouvement ouvrier dans
l’histoire repose sur ce refus d’un assujettissement prédestiné, grâce au syndicalisme, au
mouvement coopératif et mutualiste, à l’éducation populaire, et aux divers partis socialistes.
Mais l’histoire a montré à quel point il est difficile aux représentants des classes populaires de
leur rester fidèles, même pour ceux qui en sont réellement issus, dès lors qu’on fréquente les
allées du pouvoir avec toutes ses séductions. Aucune garantie absolue n’existe.
L’adhésion vertueuse par les intéressés à un corpus de valeurs, et une vigilance de tous les
instants de leur organisation politique peuvent permettre de réduire le risque, mais au final,
c’est l’électorat populaire qui sanctionne les écarts éventuels. Et c’est bien ce qui s’est passé :
après 25 ans de dérive social libérale, le peuple a déserté l’électorat de la gauche.
Le peuple a besoin de la gauche pour défendre ses intérêts, mais c’est d’abord la
représentation du peuple qui fonde la légitimité de la gauche.
Sans la gauche le peuple est désarmé, sans le peuple, la gauche est illégitime.

La république sociale

La gauche doit renouer avec les valeurs républicaines du peuple français. Au premier rang se
place la revendication égalitaire, qui par définition s’oppose à l’ordre social « naturel »
(celui du libéralisme).
En d’autres termes, la lecture républicaine, parce qu’elle n’accepte pas les inégalités et le
désordre social générés par la mondialisation libérale, amène à préconiser une société où
l’économie de marché, utile et nécessaire dans de nombreux secteurs de l’activité humaine, y
est contenue.
Le marché ne saurait inspirer les orientations stratégiques en matière de grandes
infrastructures, d’aménagement du territoire, d’environnement, d’approvisionnement
énergétique, de haute technologies, de politique internationale, de défense, de recherche,
d’éducation, de culture, de santé, de solidarité, tous domaines qui, par leur nature, relèvent de
politiques publiques et donc en dernier ressort de la souveraineté populaire, exprimée par les
citoyens lors d’élections démocratiques.
Le rôle et l’étendue des services publics et des institutions de protection sociale dans ces
champs d’activité sont décisifs et ne peuvent être abandonnés aux intérêts privés.
Une politique renouant avec ce volontarisme politique au service de l’intérêt général, et
conduisant à l’avènement d’une « véritable république sociale »(2) constituerait une claire
inversion des tendances à l’oeuvre dans notre pays et en Europe depuis plus de deux décennies
et serait en quelque sorte l’adaptation au monde actuel du concept de « rupture avec le
capitalisme » du PS d’Epinay (1971).
La gauche doit à la fois incarner un modèle de société et proposer un programme
opérationnel face à l’urgence de la crise.
Un modèle social économiquement efficace parce que socialement juste
Le projet de société doit présenter un modèle social alternatif à la société libérale qu’on nous
construit.
A l’inverse de l’évolution entamée depuis trente ans qui détricote, maille par maille, le système
de protection sociale, le droit du travail, les services publics, responsables selon les libéraux, de
prélèvements sociaux et fiscaux excessifs, et donc du chômage, le projet de la gauche doit au
contraire porter l’image d’une société solidaire où un haut niveau de services publics et
de protection sociale, incluant notamment une véritable « sécurité sociale professionnelle,
non seulement n’ est pas incompatible avec une économie compétitive mais en est la
condition.
Les économistes libéraux n’ont jamais été en mesure de donner la preuve de l’efficacité de
leurs solutions, qui n’ont abouti concrètement qu’à installer durablement un chômage de
masse, accroître la précarisation des emplois, creuser les inégalités sociales, réduire l’espace
d’intervention des services publics.
Les succès en matière d’emploi montrés en exemple par les libéraux, notamment dans les pays
anglo-saxons(3), l’ont été, soit au prix d’une très forte précarisation du salariat le plus faible et le
développement massif des « travailleurs pauvres », soit obtenus par des mesures
…interventionnistes relevant du plus pur arsenal keynésien : dépenses publiques massives au
profit de la défense nationale aux USA, créations de centaines de milliers d’emplois publics et
statut d’handicapé avec allocation pour des centaines de milliers de chômeurs ainsi retirés des
statistiques au Royaume Uni !
Un combat idéologique sans merci doit s’engager contre l’idéologie libérale, qui dispose
d’innombrables relais, dans les médias, les partis, la haute administration, etc. pour crédibiliser
ce modèle de société alternatif.
Il ne s’agit pas de défendre l’immobilisme, de s’opposer à toute évolution des services publics,
ni de refuser d’indispensables réformes des systèmes de protection sociale (retraites,
maladie…) mais les solutions, qui n’excluent pas une certaine rigueur, ne peuvent que
s’inscrire dans la perspective d’une société plus solidaire et non d’un délitement du tissu social.
De telles réformes ne sont d’ailleurs envisageables que dans le cadre d’une politique de
création de richesse, d’emplois, de réduction massive du chômage et de la précarité.

L’attachement des français au modèle républicain, et des peuples européens en général à leur
modèle social constitue un atout. Leur adhésion à un projet qui permette un renouvellement et
un renforcement de ces modèles dépend de la crédibilité que la gauche saura lui donner.

Un programme « de salut public »

Au coeur de la crise, contre laquelle la France part handicapée en raison de la politique
insensée de cadeaux aux plus riches des dernières années4 qui prive l’Etat de dizaines de
milliards d’euros, il s’agit de dégager la France de l’étreinte mortelle du capitalisme financier
mondialisé.
Le programme de salut public qu’une gauche unifiée devrait élaborer ensemble dans les mois
qui viennent pourrait se décliner autour des thèmes suivants :
-L’adoption d’un plan de relance massif et équilibré entre aides à l’investissement et mesures
en faveur du pouvoir d’achat et de la consommation.
- La réaffirmation du rôle de l’Etat républicain :
- par la mise en oeuvre d’une Réforme de l’Etat (5) conduisant à la mise en place d’un
Etat volontariste et stratège, articulé avec une véritable décentralisation républicaine.
- par l’adoption d’une politique industrielle à long terme pour revitaliser notre tissu
économique avec notamment la reconstitution d’un Ministère de l’industrie digne de
ce nom et le contrôle du crédit,
- par le retour d’une politique d’aménagement équilibré du territoire
- Un grand plan de lutte contre les inégalités :
- par le rééquilibrage du partage entre le capital et le travail,
- par une réforme fiscale permettant l’effort partagé,
- par le plafonnement, l’imposition rigoureuse ou la limitation voire l’interdiction des
bonus, stocks options et autres retraites-chapeau…
- La réorientation de la politique européenne pour la mettre au service des peuples,
- par la définition des règles d’une concurrence équitable qui protège l’emploi et
l’esquisse d’une politique industrielle au niveau européen
- par la mise en oeuvre d’un gouvernement de la zone euro
- par la remise à leur place de la commission européenne et de la banque centrale qui
doivent être des auxiliaires des gouvernements souverains.
- par une action vigoureuse et sans concession en faveur de la défense et de
l’extension des services publics
- par l’affirmation en Europe, sans arrogance mais sans complaisance ni concessions
aux conservateurs libéraux de la possibilité d’une autre Europe.
- La promotion d’une Europe, agent actif de la paix et d’un nouveau modèle de
développement, entre l’Amérique et la Chine.

L’affirmation de la vocation universelle des valeurs républicaines (liberté, égalité,
laïcité…)
Les valeurs républicaines : l’égalité entre les citoyens, la laïcité, la Nation, l’unité de la
république, le civisme, l’équilibre des droits et des devoirs, la notion d’intérêt général… qui
étaient stigmatisées comme ringardes il y a encore quelques années sont revenues au premier
plan. Les français dans leur grande majorité y sont restés très attachés.
La gauche, trop perméable aux sirènes libérales libertaires, les a laissées en jachère et ne les a
remises à l’honneur que partiellement et tardivement, les abandonnant trop souvent à la droite
Bien au contraire, la gauche doit reprendre l’offensive, se réapproprier le combat républicain
car si la république n’appartient pas qu’à la gauche, sa défense, ses avancées, ses progrès sont
presque toujours venus du flanc gauche de l’échiquier politique(6).
Le combat républicain ne peut se limiter à une position défensive face aux atteintes de la
mondialisation et au « dé tricotage » qui s’opère peu à peu de l’héritage de la 3ème république et
de la Libération.
Loin d’être une exception française, la république et ses valeurs ont vocation à essaimer et
concerne tous les peuples d’Europe et d’au-delà. La gauche française doit redevenir
conquérante, défendre ses valeurs et non tenter de se dissoudre dans la social-démocratie
européenne (qui s’est depuis longtemps elle-même dissoute dans le social libéralisme) et au
contraire chercher les convergences et les alliances.
A ce projet, indispensable pour servir de boussole aux militants depuis trop longtemps privés
de repères solides et proposer au peuple un modèle de société attractif et réaliste à la fois, doit
s’articuler pour le rendre crédible une stratégie de conquête du pouvoir adaptée au contexte
institutionnel.

II - Quelle stratégie ?

Tout le monde ou presque convient aujourd’hui qu’une profonde rénovation de la
gauche s’impose pour retrouver une crédibilité perdue. Les derniers épisodes électoraux ont
montré que le fameux « effet essuie-glace », qui permettait à la gauche, et au PS en
particulier, d’attendre l’usure du gouvernement en place confronté aux difficultés du pouvoir
pour être à nouveau préférée par les électeurs, est une impasse.
L’élection pour le parlement européen a montré que, même aux prises avec la crise
économique, les conservateurs libéraux ont paradoxalement été jugés plus aptes par les
électeurs à y faire face que les gauches européennes : sévère leçon à la social-démocratie qui
n’a pas été perçue comme une alternative mais, à juste titre comme une version soft (et par là-même
moins efficace ?) des politiques libérales.
L’électorat populaire s’est presque partout réfugié dans l’abstention, d’abord, et dans
une moindre mesure dans le vote protestataire, au mieux d’extrême gauche, au pire
populiste…

Une répétition de la « gauche plurielle » ?

En France, le PS n’est plus crédible. Ses années d’errements « européo-libérales »
accompagnées des puériles et suicidaires querelles de leadership ont eu raison de la patience
populaire. Après les « ouvriers et les employés, voici maintenant les classes moyennes qui
regardent ailleurs…
La spirale de la chute dans laquelle se sont complus, avec une étrange fascination
morbide, la plupart des dirigeants socialistes, est maintenant exploitée sans vergogne par une
droite ravie de l’aubaine et une presse conformiste ou/et paresseuse : le PS est à terre, tapons
lui dessus !…Cet unanimisme dans la curée est écoeurant et personne à gauche n’a intérêt à y
participer. Halte au feu !
Les mauvais résultats des européennes suffiront-ils pour que le PS prenne conscience
de la mauvaise passe dans laquelle il s’est fourvoyé ?
Martine Aubry, en s’adressant aux autres partis de gauche pour former une « maison
commune de la gauche » semble avoir la volonté de faire sortir le PS de son arrogance
dominatrice, attitude suicidaire qui se paie aujourd’hui par l’érosion électorale.
Le mépris condescendant à l’égard de ses partenaires et notamment des petits
mouvements de l’ex-gauche plurielle », certes légers en terme de rendement électoral, n’a en
effet eu d’égal que l’entêtement et l’indifférence manifestée devant l’éloignement de
l’électorat de gauche (et de l’électorat populaire) notamment sur la politique européenne :
Un an après le référendum sur le traité constitutionnel qui vit 55% de l’électorat PS
voter « non », le PS ratifiait sans état d’âmes le traité de Lisbonne !
Un sondage IFOP de juin 2008 révélait pourtant que 59% des électeurs socialistes
l’auraient rejeté en cas de référendum…(7)

Malgré un certain infléchissement du discours sur l’Europe (8) - depuis quelques mois, la crise a
produit ses effets - on peut rester sceptique sur la force et la sincérité de ce nouveau cours et
chez les militants de gauche, y compris ceux du PS, le scepticisme au mieux, le pessimisme le
plus noir plus souvent, sont monnaie courante. Et il faudra plus que la timide autocritique qui
s’esquisse et un replâtrage de façade pour apparaître à nouveau comme une alternative
attractive et crédible et convaincre un électorat plus que désenchanté.
En tout état de cause, le PS ne trouvera pas à lui tout seul le chemin de la Renaissance.
Pour autant une « resucée » de la gauche plurielle, alliance de dernière minute sans lecture
critique des dernières années, sans projet ni programme communs ne serait ni crédible ni
souhaitable…

Un nouveau parti à la gauche de la gauche ?

Ce désamour profond conduit aujourd’hui certains à promouvoir une stratégie de
contournement par la constitution, à partir du front du Non au référendum sur le TCE, d’un
nouveau parti « à la gauche du PS ».
Le « Front de gauche » ainsi créé à l’occasion des européennes par l’alliance du PCF et du
PdG de JL Mélenchon se fixe l’objectif de « dépasser » le PS lors des élections futures, de
façon à établir un rapport de force favorable à la « gauche de la gauche ».
.
Ce projet repose sur une double référence :
- La nostalgie chez les communistes du grand PCF qui jusqu’à la fin des années 70
atteignait et dépassait 20% de l’électorat.
- et l’exemple allemand du parti « die Linke » qui s’est formé par la fusion des restes
du Parti communiste est-allemand avec une scission de gauche du parti social
démocrate SPD.
-
Cette voie, qui paraît plus riante et sympathique à certains militants, fatigués des déceptions
répétées, me semble pourtant à la fois irréaliste et, à moyen terme, néfaste.
Irréaliste car les derniers scrutins ont montré qu’il n’y a plus à gauche plusieurs électorats,
socialement ou politiquement différenciés - ainsi l’électorat communiste, autrefois issu des
bastions industriels, des banlieues rouges et du secteur public, n’a plus de spécificité sociale
propre et se limite aujourd’hui à un reliquat qui s’érode année après année - mais un seul, plus
volatil, individualiste et s’égayant peu ou prou , vers l’extrême gauche, l’écologie ou même
le centre, lors d’élections perçues comme secondaires, mais revenant toujours bon gré mal gré
au « vote utile » dans les grandes circonstances.

Ainsi le PS bénéficie-t-il, parce que perçu comme le parti le plus électoralement crédible, de
ce « vote captif », par défaut, quelque soit son orientation politique profonde…
Par ailleurs, l’exemple du parti allemand « die Linke », oeuvrant dans un régime parlementaire
où les députés sont élus à la proportionnelle et le « chancelier » (premier ministre, chef de
l’exécutif en Allemagne où le président n’a qu’un rôle honorifique) désigné par le parlement,
n’est pas du tout transposable en France avec son élection présidentielle au suffrage universel
et son mode de scrutin uninominal à deux tour aux législatives.
L’exemple allemand est, au demeurant, plutôt contre productif, puisque l’apparition d’un parti
important à la gauche du SPD ne s’est pas traduit pour l’instant par une union de la gauche sur
un programme plus progressiste, mais bien au contraire par l’alliance officielle de la social
démocratie avec les conservateurs dans un gouvernement de « grande coalition » !
Le « Front de gauche » n’a d’ailleurs pas convaincu lors des européennes, réunissant presque
exactement le même nombre de voix que le PCF aux européennes de 2004 (9)…
Assez confus en outre dans ses orientations, (sur la croissance, la politique industrielle, la
Nation, l’énergie, etc. .), le front de gauche compte tenu de son étroitesse, n’a pratiquement
aucune chance de réaliser dans un avenir raisonnable son ambition de devenir le premier parti
à gauche et risque plutôt de devenir tributaire d’une alliance avec l’extrême gauche…
Ce nouveau parti ne pourrait donc, à mon sens, même avec quelques succès d’estime
temporaires, qu’être rapidement marginalisé.
Cette création serait surtout néfaste, car elle aurait comme conséquence presque mécanique
(comme en Allemagne) de conforter l’existence sur sa droite d’un créneau social libéral,
orienterait dans ce sens toute tentative de rénovation du PS, enfermant dans cette impasse
l’électorat captif de la gauche, et stériliserait encore plus d’énergies en détournant de vrais
militants anti libéraux, sincères, actifs, formés, vers le pur témoignage, impuissants à changer
l’ordre des choses .
Sauf tsunami politique, il est en effet très peu probable qu’à l’élection présidentielle, scrutin
majeur de notre système institutionnel, un candidat de la "gauche de gauche" (pour faire
court,) puisse rattraper le candidat du PS et le devancer...et ce dernier, resté seul à gauche au
2ème tour, ne se sentira alors que très peu contraint à faire des concessions programmatiques,
escomptant que les électeurs plus à gauche se reporteront de toute façon sur lui pour faire
barrage à la droite...
….Dans un tel scénario, on n’a en réalité, rien changé, et, au mieux ( ?) ce candidat gagne et
met en oeuvre à nouveau une politique social-libérale, au pire, et plus vraisemblablement, il
perd et la droite poursuit tranquillement son entreprise de démolition sociale…
Donc si l’objectif est bien de gagner, certes, mais gagner pour mettre en oeuvre une politique
de transformation sociale, il faut se donner non pas l'objectif d'avoir un candidat faisant un
score honorable mais secondaire au premier tour, mais au contraire celui d’avoir un candidat
conforme à nos voeux au 2ème tour.

Donner au peuple de gauche le mouvement politique qu’il mérite

Face à la réalité sociale, électorale, institutionnelle, le moins que puissent faire les militants de
la refondation de la gauche, c’est d’offrir à notre peuple une organisation politique digne de ce
nom,
· dotée, on l’a déjà dit, d’un projet de société propre, d’un programme législatif,
· capable électoralement de gagner,
· et soucieuse de réussir la construction d’une république sociale fidèle aux idéaux de la
gauche.
C’est donc une structure unitaire qu’il faut construire. Certes, cela ne se fera pas en un jour,
des étapes seront nécessaires, mais le temps presse !
Cette structure unitaire ne peut pas être le PS actuel.
Mais elle ne peut pas non plus se constituer sans lui, ou plutôt sans l’espace politique qu’il
occupe, c’est-à dire en tournant, de fait, le dos à cet électorat qui, dans les scrutins majeurs,
même en se bouchant le nez, vote pour lui et ses candidats.
Rappelons encore une fois l’orientation clairement « antilibérale » de cet électorat dont 55%
des électeurs bravèrent les consignes des dirigeants du PS en votant « non » au TCE en 2005
(et 59% auraient de la même façon rejeté en 2007 le traité de Lisbonne, que les mêmes
dirigeants firent ratifier avec la droite au parlement).
Cet électorat de gauche n’a pas la représentation politique qu’il mérite. Si dans les années 70,
l’électorat du PS était probablement plus modéré que le parti, on peut sérieusement en douter
aujourd’hui.

Quel moyen pour y arriver?

Il ne s’agit donc pas, évidemment, comme certains le murmurent pour disqualifier cette
position, de rejoindre le PS, actuellement « impraticable ». Cette démarche ne servirait à rien
compte tenu de la composition actuelle du PS et de son incapacité persistante à une véritable
autocritique qui rendrait crédible un nouveau positionnement à gauche.
Il faut plutôt se placer dans la perspective d’un dépassement (10) des partis qui composent la
gauche, qui datent pour la plupart du début du XXème siècle !
Une première étape pourrait être –à l’occasion d’ « Assises » ou d’ « Etats généraux » de la
gauche - de construire ensemble un programme et de constituer une « coordination », une
« fédération », une « assemblée », un « rassemblement », un « pacte », une « convention , voire
pourquoi pas une « maison commune de la gauche » (peu importe l’appellation) vouée à
accueillir en son sein les partis constitués, mais aussi des syndicats, des associations, et audelà,
tout(e) citoyen(ne) désireux de participer à la refondation.
L’organisation de l’avenir me semble en effet devoir réunir toute la gauche, sous ses diverses
formes, des marges de l’extrême gauche aux plus modérés (ou qui se croient tels).

Pourraient ainsi en être membres, pour une cotisation modeste, tous ceux qui sont actuellement
classés « sympathisants », qui pourraient ainsi, à leur rythme et selon leurs souhaits et
disponibilité, participer aux débats idéologiques et programmatiques, aux désignations de
candidats aux diverses élections, postuler eux-mêmes à une responsabilité élective au titre de
ce rassemblement.
Un tel rassemblement, surtout si les énergies ne s’égarent dans des voies de garage, pourrait
modifier le rapport de force au sein de la gauche et en faire glisser le centre de gravité en
faveur d'une politique tournant définitivement le dos au social libéralisme.
Un autre moyen de « faire bouger les lignes » pourrait être, pour l’élection présidentielle de
2012, la désignation par des primaires incluant toutes les composantes de la
gauche...d'un(e) seul(e) candidat(e).
A la condition que cette procédure soit accompagnée et précédée d'un vaste débat politique,
dans le cadre évoqué auparavant, la désignation et la victoire finale d'un candidat conforme à
nos voeux est possible...
Un tel mode de désignation, par le bouleversement des méthodes et l’extraordinaire légitimité
du leader désigné ne pourra qu’accélérer en retour la refondation de la gauche.
Dans un sondage datant du 12 juin 2009 (11) , 66% des électeurs de gauche et parmi eux, 71%
des électeurs socialistes et 77% des électeurs communistes, pensent que le PS devrait se
fusionner dans un grand parti de gauche…
Cet électorat, on l’a rappelé plus haut, a montré avec clarté à l’occasion du débat sur le traité
constitutionnel, son orientation majoritairement anti libérale. Le laisserons-nous orphelin du
grand mouvement politique qu’il mérite ? Le laisserons-nous prisonnier d’une orientation
social-libérale en ne lui proposant qu’une répétition maladroite de la configuration politique
du siècle dernier, ou avancerons-nous avec audace vers une vraie refondation ?


(1) Mais quel choix, à part l’Huma, ont les citoyens « de gauche » pour chercher des infos et analyses grand
public ?
(2) Selon la formule de Jaurès qui concevait le socialisme comme l’approfondissement de la république. « Sans la
république, le socialisme est impuissant, sans le socialisme, la république est vide »
(3) Annulés en quelques mois depuis le début de la crise, les travailleurs précaires ayant fait brutalement les frais
de la récession.
(4) Heureusement, les acquis des décennies antérieures : haut niveau de protection sociale, indemnisation correcte
du chômage, poids de l’emploi public, malgré les attaques des politiques néoconservatrices constituent encore
un amortissement à la brutalité des effets de la crise.
(5) Terme hélas dévoyé par la politique actuelle de démolition
(6) Cf. à ce sujet l’oeuvre de l’historien Maurice Agulhon
(7) Ainsi que 63 % des employés et 72 % des employés…
(8) Voici par exemple un extrait de la « note stratégique » pour le séminaire du PS sur le projet le 7 juillet 2009 à
Marcoussis): « Le chemin qu’a emprunté depuis plus de vingt ans en Europe l’économie de marché dérégulée
et financiarisée n’est pas la voie unique dont il faudrait s’accommoder…Vivre avec le marché ne signifie pas
renoncer à la justice et à la cohésion sociales.
Les pays d’Europe, et leurs peuples, font aujourd’hui les frais de ces impasses des politiques néolibérales, qui
ont mis en panne à la fois l’économie et la protection sociale. Là où la social‐démocratie a voulu reprendre à
son compte cette fausse rationalité, elle y a perdu, non seulement son identité, mais aussi l’efficacité
économique et sociale. L’affaiblissement du contrat de travail …les écarts inacceptables de rémunération
minant la cohésion sociales sont devenus, bien avant la crise de 2008, des tendances lourdes, face auxquelles
ni l’Union européenne, ni même les gauches au pouvoir n’ont su ou voulu construire de digues »
(9) 1 041 755 voix contre 1 009 576 en 2004, ce qui dans un scrutin présidentiel représente moins de 3% des
exprimés…même avec une extraordinaire dynamique –que rien ne laisse supposer- on est loin de dépasser le
PS
(10) envisagé aujourd’hui ouvertement par de nombreux dirigeants du PS, avec sans doute il est vrai, des
perspectives variables
(11) IFOP pour Sud Ouest Dimanche

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