POURQUOI JE SOUTIENS ARNAUD MONTEBOURG

Publié le par Xavier GARBAR

Arnaud-Montebourg-3.jpgCette décision a peut-être surpris certains d'entre vous. Ces quelques lignes ont pour but d'éclairer ce choix, et je l’espère, de convaincre certains d'entre vous.


1973- 1993 : Espoirs et désillusion

 

Je suis entré en politique en 1973, à l'âge de 18 ans, en adhérant au Mouvement de la Jeunesse Socialiste, alors dirigée par ce qu’on appelait alors « l'aile gauche » du PS, le CERES, animé par Jean Pierre Chevènement, George Sarre, Pierre Guidoni, Didier Motchane etc.….

Comme la plupart des très nombreux nouveaux adhérents  qui grossirent les rangs du PS après le congrès d'Epinay de 1971, je savais que ce vénérable parti avait, dans sa déjà longue histoire, alterné ombres et  lumière (1) , mais, par rapport aux petits partis « neufs » (PSU, mouvements trotskistes, etc.) qui florissaient à l’époque, il présentait deux atouts :

1)      Il conservait, malgré ses erreurs passées, la faveur d’une partie importante des classes populaires et attirait les nouvelles couches moyennes du salariat, ce qui en faisait un outil incontournable pour toute stratégie de conquête du pouvoir.

2)      Il se (re)construisait sur la base d’une double rupture :

·         Rupture avec le capitalisme, associée à une stratégie d’union de la gauche

·         Rupture avec la politique d’alliances au centre et renouvellement massif de l’appareil du parti par une nouvelle génération de militants et de dirigeants.

 

Cette nouvelle donne permit au parti socialiste, sous la houlette fédératrice de François Mitterrand :

·         de devenir le parti dominant à gauche, rassurant ainsi ceux qu’effrayait encore le parti communiste,

·         de s’implanter massivement et durablement dans les collectivités locales

·         enfin de gagner les élections présidentielles de 1981 et de mettre en œuvre un train de réformes structurelles qui  marquent encore aujourd’hui la société française (les nationalisations qui permirent de recapitaliser et constituer de grands groupes industriels (2) , la décentralisation, la retraite à 60 ans, l’abolition de la peine de mort, etc.).

 

La suite fut, hélas, moins glorieuse, puisque, comme on le sait, la victoire de la gauche en France intervint à contrecourant de l’évolution mondiale. La « révolution » conservatrice, partie du Royaume Uni de Madame Thatcher et de l’Amérique de Ronald Reagan, triompha, imposant partout dans les deux dernières décennies du XXème siècle la mondialisation libérale, jusqu’en Europe où même les gouvernements socialistes, contribuèrent à la déconstruction du capitalisme d’Etat et du modèle social européen.

La construction européenne servit en effet de cheval de Troie aux contre-réformes libérales (acte unique, libre circulation des capitaux, ouverture à la concurrence des services publics, ouverture sans contrepartie des frontières, mise en concurrence des systèmes sociaux et des salariés, etc.) qui aboutirent à la situation d’aujourd’hui : stagnation du pouvoir d’achat du plus grand nombre, creusement des inégalités, désindustrialisation du pays, chômage de masse structurel, précarisation d’une masse croissante de salariés, fiscalité toujours plus favorable aux plus riches, explosion des déficits, dégradation sensible des services publics…

 

Pour les militants entrés en politique pour « changer la vie », la potion fut amère…

Quelques « camarades » s’adaptèrent sans difficulté à la « parenthèse libérale (3) , beaucoup d’autres, parvenus à des responsabilités gestionnaires dans les collectivités locales se réfugièrent dans le travail « de terrain », mais le plus grand nombre disparut de la vie militante.

Le parti socialiste, de vrai parti de militant dans les années 70, se transforma peu à peu pour devenir ce qu’il est aujourd’hui : un parti d’élus locaux et de fonctionnaires d’ailleurs souvent salariés directs et indirects des structures locales.

Les courants de pensée, actifs et structurants, du parti d’Epinay, se transformèrent en « écuries présidentielles », les affrontements internes ne reflétant plus guère des oppositions de fond sur des motions d’orientation que plus personne ne lit, mais plutôt des querelles d’égos et de baronnies régionales. On vote certes toujours des textes et des projets, mais qui y prête foi ? On peut voir ainsi un Gérard Collomb, maire de Lyon, social libéral revendiqué, ou Manuel Valls voter le même programme que Benoit Hamon, leader de l’aile gauche sans que cela trouble qui que ce soit.

 

1992-2012 : la traversée du désert

 

Ayant quitté - à regret - le PS en 1993, ne pouvant plus, après le tournant libéral de 1983, la  guerre du golfe (1991) menée par la France sous le commandement américain et le traité de Maastricht (1992) de triste mémoire, avaler la moindre couleuvre, je suivis Jean Pierre Chevènement dans les successives versions du nouveau mouvement ainsi créé : Mouvement des Citoyens, Pôle républicain, Mouvement Républicain et Citoyen.

 

Porteur d’une analyse rigoureuse de l’évolution du capitalisme international, qui s’avèrera particulièrement juste quelques années après, ce mouvement s’étiola cependant progressivement, faute de troupes, perdant peu à peu ses élus face à l’intransigeance de la maison mère qui ne pardonna pas la dissidence (et un peu aussi en raison de la nature humaine qui amena un certain nombre de camarades, au nom du « réalisme », à privilégier la conservation de leurs  mandats aux dépens de leur idéal).

Surtout, l’électorat « socialiste », cette part encore considérable du corps citoyen de notre pays, attaché aux valeurs généreuses de la gauche et aux services publics, et en même temps soucieux de rigueur et de compétences gestionnaires, mais peu au fait de ce qui apparaît aux yeux du plus grand nombre comme des subtilités ennuyeuses ou trop complexes, reste invariablement fidèle au parti socialiste et à ses candidats aux diverses élections.

Cette permanence de l’électorat condamne à terme toute tentative de vivre durablement en dehors de la « vieille maison ».(4) 

C’était d’ailleurs ce constat qui avait amené les jeunes Chevènement & Cie, dans les années 1960,  à militer au sein de la vielle SFIO discréditée, plutôt que dans de beaux petits partis flambant neufs…qui ne durèrent pas plus de vingt ans pour les plus résistants.

Je fais aujourd’hui le même constat.

Il ne suffit pas d’avoir des valeurs sûres (les valeurs républicaines, les valeurs de la transmission), une analyse rigoureuse (le capitalisme financier mondialisé et ses crises) et un beau programme (fut-il de Salut Public). Encore faut-il avoir un espace politique où le mettre en œuvre efficacement, et une stratégie réaliste.

Avoir raison tout seul et avant tout le monde ne sert à rien en politique.

 

Pour agir efficacement, au-delà des analyses et du projet, il faut reprendre pied là où on peut avoir prise sur le réel, c’est-à-dire  là où on peut être en mesure d’accéder aux responsabilités.  Reprendre contact avec le peuple de gauche qui n’entend plus notre musique depuis longtemps alors que tout indique qu’il l’apprécierait

Car cet électorat n’est pas social libéral, même s’il a souvent voté durant les dernières décennies pour des candidats qui le furent. Il l’a prouvé par exemple lors du référendum de 2005. Dans une consultation où les citoyens devaient trancher une question politique (la poursuite et l’approfondissement ou non de la construction libérale de l’Union européenne), sans l’intermédiaire de candidats issus des partis, une majorité nette des électeurs socialistes a répondu « non » !

De même, un sondage récent sur les effets de la mondialisation mettait en évidence un électorat socialiste « révolté », et particulièrement lucide et sévère sur les conséquences du libre échange généralisé sur le pouvoir d’achat, l’emploi, les déficits.

Ainsi, si l’on pouvait considérer que l’électorat était, dans les années 70, plus « modéré » que les adhérents du PS, qui était alors un parti de militants, nous sommes aujourd’hui dans la situation inverse : les électeurs socialistes, pourvu qu’on leur donne la parole après un débat démocratique équitable, aspirent à une gauche certes réaliste et rigoureuse, mais aussi volontariste et courageuse, redonnant la primauté à la politique sur l’économie (5) ..

C’est cet électorat-là, celui que les instituts de sondages qualifient de « sympathisants » socialistes, qui doit être le cœur de cible. Il ne se tournera pas durablement vers une autre formation politique,  il ne votera pas pour un autre candidat à la présidentielle que celui présenté par le PS, quelque soit sa valeur.

C’est donc à nous d’aller vers lui, pas l’inverse.

J’ai la conviction que l’avenir de la gauche, sa rénovation, sa refondation républicaine, dotant enfin cet électorat d’une offre politique répondant à ses aspirations profondes ne pourra se faire ailleurs (6) que dans cet espace politique.

 

2012 : le retour de la République ?

 

La procédure des primaires peut y contribuer en offrant aux citoyens la possibilité de transcender le paysage politique existant.

Certes, j’entends bien les objections qui consistent à dire que les primaires ne feront que refléter les sondages et le brouillage médiatique. Et je reconnais que la décision de limiter la campagne des primaires à quelques semaines, dont les ¾ durant les congés d’été ( !) donnent du crédit à cet argument.

 Pourtant, faisons confiance pour une fois à nos concitoyens. Saisissons l’occasion, offrons leur un vrai débat sur les conséquences de la mondialisation sur le pouvoir d’achat, l’emploi, les délocalisations, les services publics et sur les moyens – ils existent - de transformer la réalité d’aujourd’hui.

 

Parmi les candidats en lice, seul Arnaud Montebourg porte clairement ce message.

Les militants « sociaux-républicains » peuvent se retrouver sans peine dans les thèmes de sa campagne. Son analyse de la globalisation financière et de ses conséquences rejoignent pour l’essentiel celles qu’ils développent depuis des années dans la mouvance « chevènementiste ».

Le concept de « démondialisation », loin d’être un gadget médiatique repose sur des travaux scientifiques partagés par un nombre croissant d’économistes. Il a le mérite de mettre un nom  sur un ensemble d’analyses  du capitalisme et sur les pistes à suivre pour construire une alternative mondiale à la domination de la finance et au libre échangisme échevelé. Il suscite des réactions nombreuses et sera sans aucun doute un des thèmes majeurs de la campagne de 2012

Arnaud Montebourg est par ailleurs porteur d’un programme de ré industrialisation, de réforme profonde des structures de l’union européenne (7) , de valeurs républicaines exigeantes, notamment sur la sécurité.

Loin de se joindre à ceux qui souhaiteraient faire du PS le parti des seules classes moyennes (comme le conseille une récente note de réflexion de la fondation Terra Nova), il affirme que « l’élection se gagnera au peuple »

 

Enfin, dernier argument expliquant mon choix : la politique n’a d’intérêt que si on voit loin. C’est-à-dire au-delà des échéances immédiates. Le combat républicain et socialiste ne se terminera pas en 2012.

Compte tenu des institutions actuelles  et de l’irréversibilité de l’élection du président au suffrage universel, aucune force politique ne peut être durablement audible sans tête de proue « présidentiable ».

 

Arnaud Montebourg a une pensée républicaine charpentée, un programme audacieux reposant sur une analyse rigoureuse du capitalisme mondial. Ses capacités de gestionnaire sont avérées par sa gestion rigoureuse de son département de Saône et Loire.  Doté d’un talent oratoire qui rappelle François Mitterrand, il est bien loin de la caricature du jeune ambitieux développé par ses détracteurs : écoutez ses discours et comparez le nombre de « je » et le nombre de « nous » !

Enfin, il appartient à une nouvelle génération de dirigeants qui ont l’avenir devant eux.

La campagne des primaires offre la possibilité de créer l’évènement politique : voir se lever dans le pays et particulièrement au sein de la gauche une nouvelle mouvance politique, républicaine et socialiste, ancrée dans l’espace politique « utile », dotée d’une pensée consistante, d’un leader présidentiable.

Comme tout combat politique, il s’agit d’un pari sur l’avenir. Pourquoi ne pas tenter le coup ?

 

En m’engageant aux côtés des volontaires qui dans toute la France se sont levés pour soutenir cette nouvelle espérance, je ne renie pas mon engagement de près de 40 ans auprès de Jean Pierre Chevènement. Je crois même être fidèle aux principes et aux valeurs que j’ai toujours défendus.

Mais je crois sincèrement qu’il est temps d’essaimer et passer le relais au XXI ème siècle.

 

 

Salut et Fraternité



 (1) Les lumières : Jaurès et l'unification socialiste, Blum et le Front Populaire, la participation de nombreux socialistes à la Résistance et aux réformes progressistes de la Libération,…),  les ombres : le non soutien à l'Espagne républicaine, le vote des pleins pouvoirs à Pétain par une majorité des  parlementaires SFIO, enfin  l'aveuglement devant le désir d'émancipation des peuples colonisés, l'envoi de la troupe en Algérie, l’atlantisme et les alliances à droite (pardon, au centre…donc à droite)

 

(2) Hélas pratiquement tous privatisés à partir de 1988 jusqu’à aujourd’hui, ils constituent les fleurons du CAC 40. La plupart doivent beaucoup aux nationalisations de 1981-1982

(3) Une partie des dirigeants du PS, issus notamment de la « deuxième gauche », la plupart des hauts fonctionnaires « de gauche » en responsabilité en 1981, ne croyaient pas au programme socialiste et agirent en conséquence pour aligner la politique économique et sociale de la France sur le modèle libéral  
(4) Ainsi Léon Blum désigna-t-il le Parti socialiste maintenu après la scission avec les communistes en 1920.   
 (5) Et heureusement nombre d’adhérents et d’élus du parti partagent encore cet espoir..  
 (6) Toute tentative de recréer, à gauche du PS, une force politique majeure est, à mon avis, vouée à l’échec. Je peux évidemment me tromper et je respecte ceux qui ont fait ce choix.

 

 (7) Arnaud Montebourg est le seul des candidats du PS à avoir voté Non au référendum de 2005 et le seul à avoir refusé le traité de Lisbonne.

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G
<br /> Quitte à t'étonner, je participerai aussi aux primaires et voterai aussi pour Montebourg, non pas que j'ai encore des illusions, mais quitte à avoir le choix au 2ème tour entre quelque chose à<br /> droite et un PS, je préfèrerai que ce soit Montebourg qui, si miracle il est élu, pourrai, re-miracle, appliquer son programme qui comporte quelques vues que je partage.<br /> amicalement<br /> Gilles<br /> <br /> <br />
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