Jean Pierre CHEVENEMENT: "ARNAUD MONTEBOURG TRACE LES CHEMINS DE L'AVENIR"

Publié le par Xavier GARBAR

Photo-Montebourg-chevenement.jpgVOTEZ JEAN PIERRE MONTEBOURG ! s'est exclamé Arnaud Montebourg à l'issue d'un colloque consacré à la crise au cours duquel les deux hommes politiques ont confronté leurs différences mais surtout leur étroite communion de pensée.

L'article qui suit, issu du site Marianne 2, rend compte de cet évènement lourd de sens.

 

Chevènement et Montebourg veulent affronter la crise

Au cours d'un mini-colloque organisé à l'Assemblée nationale devant 300 personnes, le candidat des primaires et le Président d'Honneur du MRC ont montré leur différence en centrant leur propos sur la gravité de la situation et la nécessité de se préparer à l'accélération de la crise des dettes européennes, manifestation de l'échec de la mondialisation néolibérale.




Le pire n'est pas toujours sûr et la politique ne se résume pas forcément, en ce début de campagne électorale, à une course de chevaux médiatiques. Le week-end dernier à Grenoble, Jean-Luc Mélenchon nous a offert son meilleur discours de campagne, à mille lieux des mièvreries et des mesquineries de La Rochelle. Mardi soir à l'Assemblée nationale, deux hommes politiques ont décidé, à la différence de la plupart des opposants au régime, de ne pas éviter la crise, et même d'en parler. Ils font bien tant elle va continuer d'obséder les Français et tant leurs concurrents, de François Hollande à Jean-Louis Borloo, semblent bien décidés à l'évoquer le moins possible.
 
La crise donc, il en a beaucoup été question lors de ce colloque-confrontation entre Arnaud Montebourg, candidat des primaires socialistes, et Jean-Pierre Chevènement qui a annoncé, avant l'été, son éventuelle candidature à l'élection présidentielle de 2012 dans l'idée, avoue-t-il à ses proches, de « peser dans le débat ».
En vedettes américaines, Jean-Michel Quatrepoint, auteur d'un tout prochain « Mourir pour le Yuan » (1) et Jacques Sapir, auteur de « La démondialisation » (2) ont l'un et l'autre montré et démontré l'impasse des politiques économiques menées en Europe.
Jean-Michel Quatrepoint a montré que la Chine et l'Allemagne, confrontées toutes deux à un sombre avenir démographique et donc à des perspectives de vieillissement dans les années 2030-2050, mènent des politiques mercantilistes. Le couple franco-allemand doit donc évaluer aujourd'hui ses capacités à vivre ensemble.
Jacques Sapir de son coté  a été encore plus précis dans ses prédictions, annonçant une accélération de la crise des dettes européennes amenant à une crise terminale de l'euro d'ici à mars 2012.  L'économiste a déroulé quelques scénarios, la sortie de l'Allemagne de la zone euro, la petite Union avec un euro réunissant la France et l'Allemagne et quelques pays, et le chacun pour soi, la dernière solution lui paraissant la moins périlleuse et la plus probable. Au passage Sapir a annoncé aussi la fin de l'OMC : lors de sa dernière réunion, l'APEC n'a même pas évoqué cette institution pourtant toujours présentée comme une clef de la mondialisation et des échanges.

Face à ces sombres perspectives, Olivier Ferrand, du think tank socialiste Terra Nova, dont on attend avec impatience ne prochain opus (Qu'est-ce qu'être de gauche ?) s'est efforcé de s'opposer à une politique de protectionnisme européen tout en recommandant … un protectionnisme réglementaire par exemple vis à vis des panneaux voltaïques chinois dont le bilan carbone est négatif.
Il a proposé une politique « d'attractionnisme » en prenant l'exemple de l'Angleterre des années 1990 qui a imposé aux groupes automobiles japonais désireux de vendre dans le pays d'y fabriquer une partie de leur production. Il a stigmatisé le système français responsable selon lui, bien plus que l'euro, de la désindustrialisation, lui opposant les politiques vertueuses des pays de l'Europe du Nord, qui, eux, ont investi dans la recherche et l'innovation.

Arnaud Montebourg n'a pas hésité à attaquer frontalement Olivier Ferrand avec lequel il avait pourtant élaboré le projet de primaire socialiste. « Alain Minc est plus à gauche qu'Olivier Ferrand », a-t-il lancé en racontant comment, au cours d'un débat récent, le Président d'AMC Conseil avait reconnu que nous avons été naïf sur l'entrée de la Chine dans l'OMC, tout en se prononçant pour des manipulations monétaires et le contrôle des investissements étrangers.
Auparavant, le député de Saône et Loire a développé l'idée que la mondialisation n'est pas un fait mais une oeuvre, dans laquelle les Français, et notamment Pascal Lamy ont joué un rôle : « Comment reconstruire nos économies ? D'abord par une stratégie d'augmentation de la valeur travail, c'est-à-dire une meilleure répartition des richesses. La question est bien : comment augmenter les salaires. Le protectionnisme est fait pour ça. Il faut contraindre les multinationales à relocaliser vers les pays de bonne (et non de basse) pression salariale ».
Il a pris l'exemple du Brésil, où après la décision du pays de taxer les importations d'ordinateurs, Apple a décidé de relocaliser sa production dans le pays.«  Le juste échange c'est le monde des bisounours, c'est Nicolas et Paimprenelle » s'est-il marré. Avant de conclure : il y a un problème de charpentier dans la construction de l'euro, qui a été conçu sans tenir compte des divergences de politique économique.
Avant de se faire prophète du malheur : « Budget, monnaie, frontières, on ne peut toucher à rien. A un moment donné cela débouchera sur des gouvernements populistes nationalistes. Je ne fais pas partie de ceux qui connaissent le résultat de la prochaine élection présidentielle, a-t-il tonné, donnant l'impression de craindre que les soubresauts de la crise ne viennent fracasser la compétition présidentielle et provoque une embellie nationale-populiste en France.

«Votez Jean-Pierre Montebourg»
Après un court hommage à « Arnaud », qui « trace les chemins de l'avenir », comme s'il souhaitait en faire un héritier de son oeuvre politique, Jean-Pierre Chevènement a, lui aussi tutoyé la gravité de la situation :
« Nous avons quand même le sentiment que nous sommes dans une terrible impasse. »  Revenant aux origines de l'Europe il a rappelé la lutte entre l'Europe des marchés de Jean Monnet et l'Europe des nations du général de Gaulle, laissant entendre que le premier avait finalement emporté la partie, nous conduisant à une monnaie unique qui a spéculé à la fois sur la disparition des nations et les convergences des politiques économiques. C'est le contraire qui s'est passé. Amateur de chiffres pour frapper les esprits, le sénateur a rappelé : « Le budget européen c'est 1% du PIB. Le prélèvement national pour l'impôt et la protection sociale atteind 40% La solidarité européenne ne représente donc que 2,5% de la solidarité nationale. »
Pourquoi cette erreur de l'euro ?«  L'euro est une monnaie politique. L'idée était d'obliger au grand saut fédéral. Mais c'est très difficile de sauter à une hauteur de 100 quand on est à 2,5. L'Allemagne tient le tiroir-caisse. Les Allemands ne veulent pas payer pour les autres.  »
« Je ne crois pas à l'eurobond », a-t-il ajouté en se distinguant ainsi de Montebourg : « la mauvaise monnaie chasse la bonne. Le total de la dette européenne c'est 10 000 milliards, 85% du PIB de l'Europe. Le fonds européen de stabilité financière est très en dessous de ce qu'il faudrait si l'Espagne venait à être attaquée ». Jean-Pierre Chevènement a ensuite raconté une anecdote : après avoir écrit au président de la république pour lui suggérer de développer les achats d'obligations des pays endettés par la BCE, il a eu la surprise de recevoir un coup de fil du Président. Lequel lui a dit : « c'est ce que nous allons faire mais je ne peux pas le dire car ça va gêner Madame Merkel ». Jean-Pierre Chevènement s'en est pris à la règle d'or - « en réalité une règle d'airain et elle nous mène au gouffre ». Il s'est emporté contre ce « fédéralisme coercitif  » qui est en train d'amener la Grèce à une récession de 5% « ce qui ne la conduit nulle part. »
Chevènement a rebondi sur la proposition de Jean-Michel Quatrepoint de mettre sur la table les divergences entre la France et l'Allemagne : « Est ce que nous voulons sortir de l'histoire comme l'Allemagne veut le faire ? Financer la retraite de ceux qui ne travaillent plus n'est pas un projet qui tient la route. » 
Reprenant la parole, Arnaud Montebourg a ajouté que«  la crise a quand même quelques avantages : mettre au rancart une série de préjugés qui sont enseignés depuis trente en ans en économie, dans le droite et en politique. Est ce que nous allons continuer à bricoler, rustiner pour perpétuer un lordre ancien ? ».  Il a brocardé des candidats qui s'y accrochent : « il y a une gauche d'avant la crise ! » Avant de conclure : le 9 octobre au premier tour et le 16 octobre, votez Jean-Pierre Montebourg. Jean-Pierre Chevènement a répondu par une boutade :  ce serait un cas d'annulation, car « Jean-Pierre Montebourg n'existe pas. »
Mais la salle, assez nombreuse pour un 30 août, avait compris la communion entre deux hommes, qui entendent désormais inscrire leur bataille politique dans le combat pour une sortie du système néolibéral.

(1) Bourrin, à paraître le 8 septembre.
(2) Le Seuil.


Mercredi 31 Août 2011
Philippe Cohen - Marianne
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