100 JOURS SONT PASSES. IL EN RESTE 1725 !
La gauche qui a fait confiance à François Hollande attend de lui du sérieux et de l’habileté, certes, mais aussi du courage et de l’audace !
Quelques réflexions en désordre…
A l’occasion des cents premiers jours de la nouvelle présidence, tout le petit monde médiatico-politique y va de son commentaire sur le bilan.
Passons sur le ridicule achevé des orphelins du sarkozisme
qui dès le premier jour portaient déjà un jugement négatif…A coup sûr l’agitation médiatique de leur mentor qui, sur tous les sujets et chaque jour avait quelque chose à dire (enfin qui croyait qu’il avait quelque chose à dire…), qui annonçait une loi à chaque fait divers, proférait une insulte à telle ou telle catégorie sociale à presque chaque sortie, se délectait des coups de menton aussi médiatiques qu’inefficaces, se mêlait de tout à tort et à travers au plus grand mépris de ses propres ministres, y compris et surtout le premier, à coup sûr cette politique de l’esbroufe, eux qui ont appris leur métier à son contact, leur manque.
Un peu de retenue (peut-être un minimum de réflexion aussi ?) serait pourtant bienvenu chez ceux qui ont laissé la France dans l’état catastrophique que l’on sait, ceux aussi qui ont réussi l’exploit de tout perdre, collectivités, Sénat, Assemblée, Présidence…
Passons aussi sur l’hostilité immédiate à l’égard du nouveau pouvoir de l’extrême gauche trotskiste qui ne peut maintenir son fond de commerce qu’avec une posture d’opposant perpétuel, refusant les responsabilités de toute gestion où que ce soit, ce qui, soit dit en passant, est un immense gâchis du potentiel de leurs militants souvent valeureux.
Reste à espérer que le front de gauche, parti communiste et consorts, sera un moyen pour tirer une partie des énergies de l’extrême gauche vers la gauche active et utile, et non, comme certaines postures le font malheureusement craindre, l’outil du glissement de la « gauche de la gauche » dans l’inutilité gauchiste.
Laissons également de côté les béni-oui-oui – il y en a - qui applaudissent chaque fois que « François » éternue. Ceux-là sont soit exagérément naïfs, par inexpérience sans doute, soit ont du mal à distinguer leurs convictions et leurs intérêts propres, parfois inextricablement entremêlés.
Adressons nous plutôt à ceux qui savent que la tâche est immense, incroyablement difficile, que les contraintes sont plus que jamais, dans un monde d’économies ouvertes et entrelacées, un handicap pour tout gouvernement désireux de redresser l’économie dans le sens de la justice sociale. Ceux qui, bien que conscients de ces périls, bien qu’échaudés plus d’une fois dans le passé par des expériences malheureuses, par le manque de clarté, de courage, de discernement, des dirigeants qu’ils avaient élus, bien que souvent déçus par cette gauche, notre gauche, ceux donc qui ne se font pas d’illusions et n’attendent pas de miracle, mais qui, pourtant, tel Sisyphe remontant inlassablement son rocher au sommet de la montagne, espèrent toujours que la construction d’un monde meilleur est possible et ont bien l’intention de participer à l’entreprise.
Ceux-là doutent parfois, sont capables de critiquer, s’expriment sans crainte de déplaire pour faire valoir leur opinion. Ils sont vigilants, attentifs, exigeants. Mais ils ne critiquent qu’après s’être demandés, en conscience, s’il était possible dans le contexte actuel, de faire autrement ou plus vite, bref, s’ils auraient eux-mêmes, en situation, été capables de décider mieux.
Ils ne négligent pas non plus, de prendre en compte les promesses déjà tenues, les points positifs, les avancées sociales, pour équilibrer leur jugement et ne tombent pas dans la facilité de ne retenir que ce qui les conforte dans leur opinion préconçue.
Ils n’hésitent pas, surtout, à mettre eux-mêmes « les mains dans le cambouis », à s’impliquer, prendre leur part, même modeste, des responsabilités, au niveau où ils se trouvent, qu’ils soient simples citoyens, par leurs discussions en famille, au travail, avec les amis, ou responsable politique dans l’exercice de leur mandat, et dans l’exemplarité nécessaire à laquelle ils doivent, plus que jamais s’appliquer.
Ils ne négligent pas le facteur temps, sachant que les grandes réformes structurelles dont a besoin notre société pour relancer la croissance et créer des emplois, refonder une politique industrielle, réorienter la politique européenne, rééquilibrer notre politique énergétique et développer une économie « verte », ne porteront leurs fruits que dans le moyen terme dans le meilleur des cas.
Tant que les dirigeants élus lors des dernières élections n’auront pas trahi leurs engagements, et je défie quiconque de pouvoir tirer une telle conclusion après seulement cent jours, un minimum de confiance s’impose. Une confiance certes pas aveugle, mais une confiance raisonnée.
Une confiance raisonnée et un soutien exigeant.
Cent jours sont passés. Il en reste donc, si je compte bien, 1725 avant la prochaine échéance présidentielle ! A nombre de mes amis, j’ai envie de dire : « Patience, camarades, si l’on veut changer la réalité il faut aussi en tenir compte, pas s’en inventer une pour se faire plaisir »
En retour, le président, le gouvernement, sa majorité parlementaire, et bien entendu le parti socialiste, de leurs côtés, doivent à ces citoyens engagés, solidaires et sereins, mais lucides et vigilants, un vrai et profond respect.
Des millions de citoyens sont avec eux, derrière eux. Ils ont, pour beaucoup d’entre eux été présents sur le terrain à l’occasion des primaires, puis dans la campagne présidentielle, ils ont validé le programme, raisonnable mais non sans audace du candidat devenu président.
Ils attendent le respect de la parole, des engagements.
Jusqu’ici, les mesures promises et le calendrier annoncé par François Hollande dans sa campagne sont strictement respectés : augmentation du SMIC, certes modeste, mais sans équivalent depuis des années, hausse de l’allocation de rentrée scolaire, retraite à 60 ans pour les carrières longues, baisse du salaire des ministres et du président, collectif budgétaire avec suppression de cette aberration en période de chômage qu’était l’incitation aux heures supplémentaires, alourdissement de la fiscalité sur la fortune, les très hauts revenus et les grosses successions, suppression de la hausse de la TVA qui aurait frappé surtout les plus modestes, création de postes dans l’Education Nationale, engagement d’un vaste dialogue social, …la liste est déjà longue.
Pour autant l’essentiel reste à faire : la réorientation de l’Europe que François Hollande avait mise à juste titre au centre de sa campagne, n’est qu’à peine esquissée.
La réintroduction dans les préoccupations européennes du thème de la croissance que le Président a justement réussi dès son entrée en fonction, ne s’est pour l’instant que très timidement concrétisée.
Les quelques 120 milliards d’€uros de crédits pour relancer la croissance européenne ne sont qu’une goutte d’eau dans la mer et les citoyens européens, les socialistes en tête, ne sauraient s’en contenter. De l’avis de la plupart des économistes, il en faudrait au moins dix fois plus pour faire « bouger la machine ».
Ils sont d'ailleurs de plus en plus nombreux à penser que la politique d’austérité généralisée que la droite allemande impose à l’Europe mène au désastre et à l’aggravation des déficits qu’elle est censée résorber.
De même les menaces que l’irrationalité et l’irresponsabilité des marchés financiers font peser sur l’Espagne et l’Italie, et in fine sur la zone €uro dans son ensemble, Allemagne comprise, appellent à plus d’audace.
Or seule la France est en situation, par son poids économique, sa dimension politique, et la légitimité que François Hollande tient de son élection récente, de faire évoluer le partenaire allemand.
J’entends bien que la chose est délicate et qu’on ne s’en sortira pas avec des « Y a qu’à » « Faut qu’on ». Qu’il faille alterner expression musclée du rapport de force, tactique de séduction, négociation et compromis, est inévitable. Il ne faut en effet pas imiter la pitoyable méthode sarkoziste : beaucoup de vantardise, de torse bombé devant des médias complaisants et capitulation en rase campagne au bout.
Mais François Hollande ne peut pas se satisfaire du modeste rajout de crédits obtenu en juin pour faire avaler aux français la fameuse « règle d’or », qu’on s’empressera évidemment de transgresser dès que nécessaire.
A l’évidence, les français attendent du Président, dès la rentrée, qu’il « reparte au charbon » pour obtenir d’autres concessions de la chancelière Merkel, qui va être de plus en plus isolée en Europe, de la BCE et de la commission européenne. La France doit continuer à prendre la tête de l’Europe de la croissance et de l’emploi contre celle de l’austérité et de la misère des peuples.
François Hollande en est capable. Il en a la force et je pense, l’envie.
Oui à la tactique et à l’habileté s’il le faut, l’histoire nous enseigne qu’elles sont nécessaires pour réussir, mais sans perdre de vue l’objectif à atteindre.
La seconde grande affaire de l’automne sera l’adoption du budget 2013. Là encore, la presse nous abreuve de pleurnicheries sur les mesures fiscales qui ne vont pas manquer de tomber sur la tête des « classes moyennes » pour pouvoir tenir les engagements en matière de déficits.
Evacuons d’abord un faux débat.
80% des français estiment faire partie des classes moyennes et la droite et la presse libérale (et hélas, en matière économique, même la presse dite de gauche en fait largement partie) jouent sur cette sensibilité pour semer la confusion. Les français n’ont pas tort si l’on considère comme le CREDOC que la classe moyenne est située entre 70% et 150% du revenu médian, (1750 € par mois), soit entre 1260 et 2620€ par mois.
Ce que les éditorialistes multicartes et les rédactions en chef oublient de dire, c’est que l’essentiel des mesures fiscales envisagées ne toucheront que les ménages aux revenus élevés, (c’est-à-dire eux-mêmes), qui se situent bien au-delà des classes moyennes telles que définies plus haut.
Par ailleurs, si l’on peut admettre que, dans la discussion européenne, la France se doit de jouer le jeu jusqu’à un certain point, la discussion sur la réalité des déficits publics et leur signification doit continuer.
Ainsi, il doit être réaffirmé que les déficits publics en France ne sont pas dus en premier lieu à une augmentation déraisonnable des dépenses publiques (celles –ci n’ont pratiquement pas cru par rapport au PIB depuis le milieu des années 80) mais à une baisse très irresponsable, elle, des recettes fiscales des couches les plus favorisées ! Le rapporteur (UMP) du budget de la précédente assemblée, Gilles Carrez lui-même avait estimé à 113 milliards par an (soit à peu près le déficit annuel) le manque à gagner fiscal du fait des allégements d’impôts et niches fiscales pratiqués depuis le début des années 2000.
Par ailleurs, nombre de spécialistes pensent que certaines dépenses publiques, en matière d’investissement, de recherche, d’éducation, devrait être exclues, au moins pour partie des dépenses prises en compte pour le calcul des déficits autorisés.
Enfin, il apparaîtra stupide, pour ne pas dire criminel, aux yeux de l’histoire, de constater que les Etats européens, qui s’enfoncent dans la récession, se seront obstinées à accentuer les politiques d’austérité au nom d’une règle d’or stupide, au lieu de se lancer dans d’audacieuses mesures de relance à l’échelle du continent, reproduisant bêtement la politique suicidaire du gouvernement américain du président Hoover en 1929, avant que F. D. Roosevelt ne renverse la vapeur. L’Europe attend son Roosevelt !
Et la gauche qui a fait confiance à François Hollande attend de lui du sérieux et de l’habileté, certes, mais aussi du courage et de l’audace !
Je ne dis pas non plus que le budget 2013 sera une partie de plaisir et que chacun n’aura pas à participer à l’effort national. La modération des salaires, le blocage des indices de la fonction publique, la stabilité des effectifs de celle-ci, l’acceptation de règles sévères en matière de retraites, sont déjà des efforts colossaux pour la plupart des classes populaires et moyennes.
Mais je fais confiance à la parole donnée que tout effort demandé aux français sera fait dans le sens de la justice.
Autre sujet aigu: la sécurité
Les médias, toujours bienveillants, comme chacun sait, s’efforcent de relancer la polémique sur la sécurité. Ils sont cette fois aidés par une partie de la gauche « bien pensante », ou compassionnelle. La politique du ministre de l’intérieur, M Valls, approuvée par le Président, serait copie conforme de celle d’Hortefeux, Guéant et Sarkozy ! Rien de moins !
Ceux-là oublient que l’insécurité, qui n’est pas dans certains quartiers qu’un sentiment, pénalise d’abord, et au quotidien, les classes populaires. Le droit à la Sûreté est une exigence vitale, élémentaire, consacré comme droit naturel et imprescriptible par l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Le droit à la Sécurité n’est pas une valeur de droite, qui n’utilise ce thème qu’à des fins électoralistes douteuses, mais une revendication qui a sa place dans nos programmes au même titre que le droit à l’égalité sociale et au droit à l’emploi. L’avoir oublié pendant quelques décennies, du fait de la « boboïsation » de la gauche, a coûté à celle-ci la perte du soutien d’une bonne partie des classes populaires. Et si le processus s’est inversé lors de la campagne présidentielle, c’est parce que François Hollande, appuyé du reste sur l’expérience en la matière des élus locaux du parti socialiste, a renoué avec les valeurs républicaines sur ce sujet comme sur bien d’autres. Et le retour des classes populaires, certes encore fragile, dans l’électorat de gauche, n’est pas pour rien dans la victoire de celle-ci.
Du reste, il est malhonnête de comparer la politique initiée par Valls au Ministère de l’Intérieur aux errements sécuritaires et démagogiques du précédent gouvernement : la hausse des effectifs de la police et de la gendarmerie, la fin de la politique du chiffre, la création des zones de sécurité renforcée, la discussion sur la réforme des contrôles d’identité, etc. sont autant de différences de nature entre le délire sécuritaire d’un Sarkozy et une véritable politique de sécurité républicaine.
Un dernier mot sur le flamboyant combat du ministre du redressement productif contre les délocalisations et fermetures d’entreprises. Là encore, la presse aime à ironiser sur ces combats perdus d’avance. Pourtant, c’est la première fois, à ma connaissance dans l’histoire de France qu’un ministre mouille sa chemise pour soutenir le combat des travailleurs en lutte pour leurs emplois. Seul Jaurès, qui n’était pas ministre (mais on a oublié le nom de la plupart des ministres de l’époque et pas le sien) pourrait servir de référence, et elle fait sens. La médiatisation de ces tentatives de sauvetage, bien difficiles, ne doit d'ailleurs pas faire oublier le travail de fond que mène Arnaud Montebourg pour refonder – mais là encore il faut « donner du temps au temps » - une grande et ambitieuse politique industrielle.
Et puis, tiens, encore une chose…Le respect de la parole donnée, le respect tout court des citoyens et notamment des socialistes, c’est aussi de respecter l’engagement voté par les militants lors de la convention de rénovation du 3 juillet 2010. qui prévoyait de mettre fin au cumul des mandats au plus tard trois mois après l'élection…