Un tournant politique majeur ?
C’est peut-être un tournant politique majeur auquel nous allons assister. Avec le soutien de fait du RN au gouvernement Barnier, il n'y a plus vraiment trois blocs à l'Assemblée Nationale, puisqu'une convergence entre la droite (historique et macroniste) d'une part, et l’extrême droite RN d'autre part, se profile. Si cette tendance se confirmait (un rapprochement déjà effectué dans d’autres pays européens), les combats prochains, législatives et présidentielle pourraient opposer non plus trois, mais deux blocs : union des droites contre union des gauches !
Dans ces circonstances nouvelles, l'union de toutes les composantes de la gauche est donc plus que jamais indispensable et la responsabilité du parti socialiste est immense. C’est la présence du parti socialiste dans l’union qui lui donne consistance et crédibilité. Toute autre stratégie que l’union serait stupide et dangereuse et malheureusement il semble que certains en son sein sont encore dans cette dynamique, largement propagée dans la plupart des médias à coup de falsifications et de mensonges.
Certes l'union doit s'améliorer...et c'est vrai qu'il y a du boulot. Mélenchon et sa garde rapprochée doivent être remis à leur juste place, car leurs outrances de langage et de comportement et leur ambiguïté volontaire sur la laïcité et le conflit israélo palestinien sont des armes offertes aux adversaires du NFP et à la droite. Mais ne faisons pas d'amalgame avec tout LFI où une bonne partie (voire la majorité) des militants et électeurs ont pris ou pourraient prendre conscience du boulet que constitue désormais leur leader historique. Car cette composante de la gauche est utile et indispensable à l'union.
Quant aux socialistes qui reprochent au PS d’avoir refusé de soutenir inconditionnellement Cazeneuve, que veulent-ils dire en fait ? Que quel qu’ait été le programme de celui-ci, il fallait le soutenir a priori ? Abandonner l’abrogation de la scélérate réforme des retraites, la hausse du SMIC, le renflouement des services publics, le rétablissement de l’ISF, toutes mesures qu’ils ont pourtant eux-mêmes votées dans leurs propres textes d’orientation.
Mais que veulent-ils au fond ? On a bien compris qu’ils veulent rompre avec Mélenchon[1], qu’ils persistent à présenter comme le grand manitou du NFP alors qu’ils savent pertinemment qu’il n’en est rien, comme l’attestent le contenu du programme du NFP, le nouveau rapport de force au sein du parlement où LFI est très loin d’être majoritaire au sein du NFP, ainsi que les négociations pour trouver un candidat au poste de premier ministre qui ont écarté d’emblée JLM. Mais reprendre sans nuances les éléments de langage de la droite (LFI= extrême gauche, LFI antisémite, etc.) et agiter le chiffon rouge Mélenchon pour convaincre les militants socialistes qu’il faut changer de stratégie, interroge.
Car pour quelle stratégie alternative ? Ils nous disent qu’il faut un PS jouant un rôle central et moteur au sein d’une union de la gauche avec les Verts, les communistes, le centre gauche (Cazeneuve ? L’aile gauche du macronisme ?) et sans LFI.
Mais être central et moteur, ça ne se décrète pas, ça se mérite ! Je comprends que nombre de camarades, qui sont venus au socialisme aux temps de sa splendeur, où il suffisait de s’inscrire au PS pour pouvoir rapidement accéder à des postes et des mandats électifs, puissent avoir du mal à intégrer la réalité d’aujourd’hui. Mais ce n’est pas au moment où le PS se redresse et retrouve un peu de cette centralité, grâce à ceux qui ont eu le courage de ramasser en 2017, le drapeau dans le fossé où l’avait laissé tomber ceux qui qui avaient dilapidé l’héritage, qu’il faut l’affaiblir et anéantir sept ans d’efforts. Et se marginaliser à nouveau.
Car ni les écologistes, ni le PCF, s’ils ont avec JLM et sa garde rapprochée les mêmes réserves que nous, ne veulent rompre à aucun prix avec LFI. Et n’accepteraient donc en aucune manière un tel scénario. Quant à l ’ « aile gauche » macroniste, si elle existe, qui a approuvé dans les dernières années toutes les réformes les plus réactionnaires et conservatrices de la Vème République, quel socialiste respectueux de ses votes, des promesses inscrites sur nos tracts, des mesures défendues devant les électeurs sur les marchés, le porte à porte, quel socialiste se résoudra à leur faire la moindre confiance ?
Et in fine, pour quelle politique ? Pour celle que les militants du parti ont adopté lors de ses congrès, celle inscrite dans le projet du PS, le programme d’Hidalgo, celui du PS pour les européennes, quasi intégralement reprise dans le programme du NFP ? Est-ce que quand on proclame vouloir rompre avec la politique économique libérale de Macron, on souhaite s’en donner les moyens ?
Je n’ose imaginer que certains puissent, à la faveur des circonstances particulières que créent la répartition tripartite de l’Assemblée Nationale, vouloir associer à nouveau le parti socialiste à une politique économique et sociale contraire aux intérêts des couches sociales que nous sommes censés représenter et défendre. Comme si on avait oublié que c’est précisément ça qui a failli détruire le parti socialiste ! Est-ce qu’une fois pour toutes, le contenu des motions, textes d’orientations, projets, programmes, a une valeur ou non ?
Je crois profondément que les militants et les électeurs socialistes le croient avec ferveur et je ne leur ferai pas l’injure de penser qu’ils ne sont pas sincères. Alors, à quoi riment ces postures, ces déclarations incendiaires dans la presse, ces jugements proches de l’insulte contre certains de nos dirigeants ? Et surtout quel sens du timing, au moment où la droite se rassemble !
[1] Qui les aide bien d’ailleurs puisque c’est sans doute ce qu’il souhaite lui aussi, afin de se présenter comme le seul à défendre les vraies couleurs de la gauche après la trahison des socialistes