Faut-il apprendre à nouer des coalitions en France ?
« Les français devraient, comme partout ailleurs en Europe, adopter l’esprit et la pratique du compromis en politique, accepter et apprendre à former des coalitions entre partis, et en finir avec l’intransigeance, la bipolarisation, le clivage simpliste gauche-droite, etc.[1]
Ainsi s’expriment à longueur d’antennes la plupart des éditorialistes, chroniqueurs, présentateurs, « politistes » et autres experts en tous genre qui peuplent les plateaux télé et radio, relayant depuis des semaines le même refrain, repris avec plus ou moins de talent sur les réseaux sociaux par de nombreux bons esprits, quinquas ou sexuas de la classe moyenne supérieure dont l’assurance d’avoir raison n’a d’égal que le nombre d’approximations, mensonges ou semi-vérités qu’ils profèrent à l’appui de leurs posts incendiaires contre la gauche.[2]
La victoire récente de l’extrême droite allemande en Thuringe et sa progression spectaculaire dans nombre de régions et de pays européens ont pourtant illustré cruellement le caractère tragiquement fallacieux de ce raisonnement.
En Allemagne comme en Italie et bien d’autres pays, les électeurs sont lassés, voire exaspérés, de voir les partis pour lesquels ils se sont prononcés sur la base d’un programme, édulcorer voire abandonner celui-ci pour nouer des accords avec d’autres partis, et parfois avec leurs adversaires. Au final, ces combinaisons alimentent chez le citoyen lambda le dégoût de la politique, assimilée à de constants tripatouillages, et le constat - pas vraiment faux - qu’elles aboutissent en fin de compte à ce que rien ne change vraiment, que la même politique continue de s’appliquer, quel qu’ait été le vote des électeurs. Comment ne pas comprendre que nombre d’entre eux se réfugient dans l’abstention et la désaffiliation civique ou pire encore s’abandonnent à l’extrême droite.
Si la démocratie ne permet pas au citoyen de choisir entre des politiques alternatives, si on fait comprendre à l’électeur qu’il n’y a pas d’autre choix[3], pas d’autre politique économique et sociale que celle qu’ils subissent depuis des lustres, alors, non ce n’est plus une démocratie et on comprend que le concept perde de sa pertinence dans de larges couches de la population.
Il est vraiment urgent de rompre avec cette pensée unique mortifère et d’affirmer sans complexe qu'une vraie démocratie doit permettre aux citoyens de choisir une autre politique.
[1] Le reproche étant évidemment plutôt adressé à la gauche, qui a l’outrecuidance de vouloir respecter ses électeurs en restant fidèle à ses engagements…la droite ayant, au-delà des postures affichées, la nuque plus souple…comme on vient de le voir avec l’alliance des droites et la bienveillance de l’extrême droite…
[2] …gauche à laquelle ils veulent nous faire croire qu’ils appartiennent toujours alors qu’ils l’ont pour la plupart désertée quand celle-ci a sombré…
[3] le « there is no alternative » de Margaret Thatcher