III La République
Social, Ecologie, (mais aussi) République
III - La République
La spécificité de la gauche française, dans plusieurs de ses composantes, est son inscription dans le combat républicain.
Le combat républicain, pour les Droits de l’Homme et du Citoyen, pour la Liberté, l’Egalité, la démocratie politique, l’Ecole publique obligatoire et gratuite, la Laïcité de l’enseignement public, la Séparation des églises et de l’Etat, etc. a, en France, précédé le mouvement socialiste né de la Révolution industrielle du XIXème siècle.
Si certains des premiers « socialistes » ont naturellement considéré que les revendications sociales du prolétariat prolongeaient et complétaient les conquêtes civiques obtenues depuis la Révolution Française, d’autres ont longtemps pensé qu’il ne s’agissait là que d’un combat de la bourgeoisie qui ne concernait que fort peu les ouvriers, exploités par des capitalistes dont beaucoup étaient…républicains.
Il a fallu quelques décennies avant que la synthèse se fasse entre République et Socialisme. Jean Jaurès, s’il ne fut pas le premier ni le seul, incarne cette synthèse. Le Socialisme est pour lui, la République poussée jusqu’au bout, le débouché social de la promesse républicaine d’égalité. C’est une spécificité française. Le socialisme français porte dans son ADN le combat républicain.
Bien sûr, la République n’appartient pas à la gauche, et d’autres courants politiques ont compté dans leurs rangs de valeureux républicains, mais force est de reconnaître que la gauche fut toujours son aile marchante.
Elle est l’héritière principale des philosophes du siècle des Lumières, des idéaux de la Révolution Française, des Révolutions de 1830 et 1848, de la Commune de Paris de 1871, des réformes républicaines et laïques de la Troisième république, des conquêtes sociales du Front Populaire, du programme si progressiste et moderne du Conseil National de la Résistance, …
Le « modèle social français » est le résultat cumulé de ces luttes républicaines et sociales, consolidé et surtout « constitutionnalisé » à la Libération[1], imparfait mais assez conséquent pour que la droite ait si souvent, et encore récemment, essayé de déconstruire sans totalement y réussir.
J’ai la faiblesse de penser qu’une large majorité de françaises et de français (et la plupart des étrangers qui vivent dans notre pays), a profondément intégré, plus ou moins consciemment peut-être, cet héritage, si bien rédigé dans nos textes constitutionnels :
« Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946… »… (1er alinéa du Préambule de la Constitution)[2]
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances… » (Art. 1er de la constitution)
Bien sûr, certains articles sont restés lettre morte ou appliqués partiellement ou imparfaitement, c’est toute la question de la « promesse » républicaine. Ce n’est pas parce qu’elle tarde à se réaliser que son contenu est caduc. Au contraire, il faut s’appuyer sur elle pour faire avancer le progrès, qui est toujours remis en cause par ceux qu’il gêne.
Les « indigénistes » et autres « décoloniaux », commettent aujourd’hui un contre-sens en remettant en cause la République au motif que ses chefs et ses représentants n’ont pas toujours dans l’Histoire de la France appliqué ses principes. Les mouvements de Libération nationale des anciennes colonies qui ont conquis leur indépendance se sont, au contraire, appuyés sur les valeurs révolutionnaires françaises pour les retourner contre leurs maîtres qui, effectivement ne respectaient ni la lettre ni l’esprit des principes républicains.
Ces valeurs républicaines gardent aujourd’hui, à mon sens, toute leur force, à condition de les considérer toutes, sans en délaissant certaines, car toutes ensemble elles font système.
Malheureusement, une partie de la gauche française, par facilité, par paresse intellectuelle et oubli de son histoire, a progressivement pris certaines distances avec la République et ses valeurs, n’en retenant plus que quelques-unes, les plus faciles à défendre, celles qui paraissent plus sociales, plus généreuses, plus libérales, et en délaissant voire en rejetant les autres, plus exigeantes, la laïcité, le patriotisme, le civisme et le respect des lois, l’équilibre des droits et des devoirs, le droit à la sécurité, qu’elle abandonna …à la droite, voire à l’extrême droite…alors qu’elles étaient historiquement et fondamentalement des valeurs progressistes.
Ainsi de nombreux citoyens – et d’abord dans les classes populaires - se sont éloignés de la gauche et se croient même « de droite » parce qu’ils aiment leur pays[3], parce qu’a priori ils préfèrent le policier au délinquant, parce qu’ils veulent que leurs familles soient protégées des dealers et des caïds, parce qu’ils aiment le travail, et même le travail bien fait, etc. Or ces exigences, osons le clamer, sont légitimes et c’est historiquement la gauche qui les a portés, bien plus souvent que la droite.
Tant que la gauche restera, pour beaucoup, assimilée au laxisme, à la facilité, à la faiblesse, elle ne sera pas en mesure de retrouver un rôle central et de rassembler.
Aujourd’hui, retrouver, assumer, revendiquer son attachement à toutes les dimensions de la république n’est plus ringard, mais résolument moderne et en parfaite adéquation avec les besoins du moment :
Je crois profondément qu’aucune force politique ne pourra durablement constituer un bloc social et idéologique majoritaire sans s’appuyer sur les fondamentaux républicains qui restent profondément ancrés dans le substrat culturel du peuple français.
Si la gauche est capable de ce retour à la république, si elle sait être la meilleure à porter cet équilibre entre droits et devoirs, entre générosité et exigence, entre liberté et respect des lois qui la fondent, j’ai la conviction qu’elle sera à nouveau entendue par ces couches sociales déboussolées, qui, voyant ces valeurs abandonnées par la gauche, se sont dispersés, la plupart se réfugiant dans l’abstention politique, d’autres se laissant séduire par les thèses populistes.
[1] Lire notamment les thèses d’Alain Supiot, professeur émérite Collège de France : « En France, ces 3 piliers (droit du travail, sécurité sociale et services publics) ont été dotés d’une base juridique constitutionnelle à la fin de la Seconde Guerre mondiale…. Mais conformément au mot d’ordre néolibéral appelant à « défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance », chacun d’eux a fait l’objet d’un travail de sape, qui s’est beaucoup accéléré sous la présidence d’Emmanuel Macron » (Alternatives économiques avril 2020)
[2] …lequel préambule de 1946, partie intégrante de la constitution française, et dont je recommande vivement la lecture, est un texte plus révolutionnaire que bien des programmes politiques de la gauche radicale.
[3] Aujourd’hui, si vous arborez un drapeau tricolore (sauf sur un stade), vous êtes considéré comme un quasi-facho par la gauche « boboïsée »…qui est surtout historiquement amnésique.