I - Social
Social, Ecologie, (mais aussi) République
I - Social
C’est la raison d’être du socialisme. La gauche socialiste est héritière et doit l’assumer avec fierté, du mouvement ouvrier français. Elle participe du vaste mouvement social et politique qui, depuis des siècles et notamment depuis la révolution industrielle du XIXème siècle et le développement massif du salariat, a arraché, à force de luttes acharnées et de batailles politiques, les conquêtes sociales qui ont amélioré sensiblement les conditions de vie et de travail des classes populaires.
Au risque de paraître « archaïque », il me semble donc indispensable de réaffirmer avec force que la première raison d’être de la gauche est de représenter les couches sociales qui ne disposent pas a priori des moyens, matériels, culturels, techniques, de défendre leurs intérêts toutes seules, contrairement aux classes possédantes.
Or, comme le confirment enquêtes et études successives[1] et comme l’ont illustré en France la crise sociale dit des « Gilets jaunes » et d’une façon plus générale les progrès du populisme partout en Europe et au-delà, la gauche a perdu l’hégémonie idéologique, culturelle, qu’elle a longtemps détenu au sein des classes populaires et des couches moyennes modestes.
Alors osons le dire d’emblée: la gauche sans le peuple est illégitime et sans utilité historique!
Et vous me pardonnerez de continuer à penser aussi que le peuple sans la gauche est désarmé face aux classes dominantes, et à la merci des populistes.
Deux causes principales de cette distance qui s’est creusée un peu partout dans le monde entre les couches populaires et la gauche peuvent être identifiées :
D’une part la faiblesse, voire l’absence de réflexion théorique sur les évolutions économiques, technologiques, sociologiques, géopolitiques, et leurs conséquences sur la composition sociale de la social-démocratie et de son électorat.
Et d’autre part, il faut avoir la lucidité de le reconnaître, la progressive dérive idéologique d’une gauche « gentrifiée » n’ayant pas su résister à l’influence du néo-libéralisme. Laquelle s’est traduite par la mise en œuvre par la social-démocratie elle-même de politiques dans lesquelles la priorité donnée aux intérêts des classes populaires n’était plus une évidence.
Revenir à son rôle historique de représentation des classes populaires
Des phénomènes, des évènements, des processus historiques majeurs se sont produits durant les dernières décennies :
Globalisation économique, révolutions technologiques,, transformations des organisations de travail et du tissu sociologique des sociétés, quasi disparition dans notre pays de l’influence catholique en quelques décennies, et parallèlement, de la matrice politique opposant une France « catholique» et une France déchristianisée, laïque voire anticléricale, effondrement de l’utopie communiste et de la « contre-société » qu’elle avait générée, développement de l’individualisme, du consumérisme, prise de conscience tardive de l’urgence écologique et plus récemment encore, développement massif des réseaux sociaux…
Pourtant les analyses, les modèles, les projets, les modes de gouvernement et les comportements politiques de la gauche n’ont guère été modifiés. Et en particulier, la réflexion sur la relation entre gauche et classes populaires a semble-t-il été purement et simplement abandonnée
Pourtant ces immenses mutations sociales intervenues depuis trente ans, si elles méritent études et recherches, n’ont pas annulé le besoin pour les couches sociales qui ne possèdent pas les moyens matériels ou culturels de faire primer leurs intérêts, d’être représentés dans la sphère politique par des organisations qui défendent - réellement et non démagogiquement - leurs intérêts.
Il apparaît donc évident, sauf à renoncer à son rôle historique, et en conséquence à abandonner le peuple aux populistes, qu’une des premières priorités pour la gauche est de renouer avec ces couches sociales, et d’en tirer toutes les conséquences et d’abord en matière d’orientation politique. Car pour commencer à regagner la confiance de cette partie de la population, encore faut-il mener une politique qui réponde à ses besoins et préoccupations.
Rompre avec le « social libéralisme »
Pour ce faire, il paraît nécessaire de se livrer à un inventaire sans concession des trois ou quatre dernières décennies[2]. Sans nier tout ce que la gauche social-démocrate, depuis son origine et même durant cette dernière période, a apporté ou contribué à apporter pour améliorer le niveau et les conditions de vie des travailleurs, force est de constater que depuis les années quatre-vingt, la social-démocratie s’est montrée incapable, face à la mondialisation, à la révolution technologique et au retour de l’hégémonie idéologique du libéralisme, de se renouveler autrement qu’en abandonnant de fait toute volonté de transformation sociale et en allant jusqu’à intégrer à sa doctrine et sa politique des éléments de l’idéologie adverse, incapable de ce fait de s’opposer à la montée fulgurante des inégalités, à la stagnation du niveau de vie du plus grand nombre et à la perte de confiance en l’avenir des couches sociales qui constituaient son socle électoral.
A l’évidence la gauche de gouvernement paie actuellement durement les conséquences de sa dérive libérale, en France comme partout en Europe.
Une rupture avec ce passé récent s’impose. Et doit s’assumer : Il ne sert à rien de faire du « Social » le premier terme de notre devise si c’est pour refaire la même politique.
Or nous sommes peut-être entrés dans une période favorable. La prise de conscience des périls écologiques et la violente crise économique mondiale consécutive à la pandémie planétaire du Covid 19 ont fait exploser les tabous et le carcan des règles qui étouffaient la souveraineté des Etats, en matière budgétaire, monétaire, etc. Les déficits publics explosent, sans que personne ne s’en émeuve, l’endettement massif des Etats qui en découle est encadré, sécurisé, voire réduit et pour partie quasiment annulé ou neutralisé par les banques centrales, lesquelles sont prêtes à la création monétaire pour relancer les économies. Bref, les sacro-saintes lois de l’ultra libéralisme qui inspiraient l’action des grandes institutions internationales et les gouvernements libéraux sur toute la planète depuis des décennies sont actuellement – pour combien de temps ? – transgressées sans hésitation par ceux-là même qui les préconisaient.
Une opportunité historique de mener d’audacieuses politiques sociales et écologiques s’offre ainsi à la gauche réformiste, sans être contraintes par la doxa ultralibérale.
A elle de s’en saisir pour proposer un projet audacieux d’amélioration des conditions de vie et de travail du plus grand nombre, de réduction des inégalités, de reconquête des couches populaires. Cela passe notamment par une relance volontariste des économies alliant progrès social et réformes écologiques.