Gauche : les trois pièces indissociables du triptyque : Social, Ecologie, (mais aussi) République
La gauche réformiste, la gauche social-démocrate, la gauche de gouvernement, quel que soit le nom qu’on lui donne - je penche personnellement pour « Gauche Républicaine » - incarnée jusqu’ici principalement par le parti socialiste, mais pas seulement, est en phase de reconstruction. Au sein d’une alliance des gauches et des écologistes, elle doit aujourd’hui impérativement retrouver une place centrale et pour cela, affiner, développer – et affirmer - sa doctrine, sociale, écologique, mais aussi « républicaine »
Olivier Faure et son équipe ont pris en charge, après la calamiteuse élection présidentielle de 2017, un PS exsangue, condamné selon la plupart des médias et des observateurs politiques à une disparition inéluctable. Ils ont cependant contredit cette prédiction, évitant d’abord une nouvelle dégringolade lors des élections européennes de 2019, et, en s’appuyant sur l’implantation territoriale du parti et une habile stratégie d’alliances, réussi à faire plus que bonne figure lors des dernières municipales.
La stratégie choisie est incontestablement la bonne.
Le PS (et au-delà, toute cette gauche qui n’est ni radicale, ni libertaire) n’a du reste guère le choix. Quoiqu’en pensent quelques camarades qui n’arrivent pas à penser hors du cadre qui les a façonnés, le PS et cette mouvance « divers gauche », ne peuvent plus raisonner comme s’ils rassemblaient encore régulièrement de 20 à 30% de l’électorat. Sauf à mourir lentement dans l’isolement, le PS doit donc, s’il veut continuer à jouer un rôle, s’allier à d’autres forces politiques.
Olivier Faure a eu l’audace et l’intelligence d’embrasser cette stratégie sans ambiguïté : acceptant de n’être plus hégémonique, de ne plus être partout l’axe central autour duquel on s’assemble, de se ranger quand c’est utile derrière une tête de liste d’un allié, ce « nouveau » parti socialiste, emmené souvent, nationalement et localement, par de nouvelles générations de dirigeants, a réussi souvent à convaincre de la sincérité de cette nouvelle orientation. Nouveauté salutaire et nécessaire, tant les rancœurs à l’encontre des socialistes s’étaient accumulées chez des partenaires trop souvent malmenés, voire méprisés par un PS alors hégémonique.
Ainsi les municipales ont permis de conserver à la gauche et même de conquérir de nombreuses communes sur le territoire, parfois en cédant la tête de liste à d’autres figures, notamment écologistes.
Cette stratégie de rassemblement est la bonne. Elle satisfait les électeurs « de gauche », consternés par les divisions et les batailles d’égos. Elle permet de réunir les conditions de la victoire. La leçon ne doit pas être oubliée pour les échéances futures.
L’union mais ni la confusion ni la soumission.
Pour autant, union ne veut pas dire fusion ni confusion. Et encore moins soumission. Chaque composante de l’alliance a sa propre identité. Et ses propres ambitions. Bonne volonté unitaire ne signifie pas naïveté. « L’union est un combat », répétaient autrefois les communistes, et ils n’avaient pas tort. Aujourd’hui, l’objectif des écologistes d’EELV est clair : prenant appui sur les résultats des élections européennes, qui les ont placés en tête de la gauche, ils ambitionnent de devenir l’axe de toute coalition, autour duquel ceux qui le souhaitent se rassembleraient. Cette ambition est légitime[1].
Pourtant, nous sommes un certain nombre à penser que l’hégémonie idéologique des écologistes d’EELV n’est pas souhaitable pour deux raisons : d’abord parce qu’une partie de leur fondamentaux idéologiques, philosophiques et culturels posent problème, ensuite parce qu’ils ne sont pas en mesure, c’est en tout cas ma conviction, de constituer durablement autour d’eux un bloc social majoritaire.
De la même façon qu’une union dominée par la gauche radicale était, avant-hier avec le parti communiste, et hier avec la France insoumise, vouée à l’échec, une union dominée par EELV parait peu apte à rassembler une majorité sociologique et idéologique.
La « gauche républicaine », à condition d’assumer pleinement son identité, et sans renoncer à l’alliance actuelle, peut et doit se fixer comme objectif de (re)devenir cette force centrale capable de sortir du piège « libéraux contre populistes » dans laquelle Macron a enfermé la vie politique française.
Le PS, même affaibli, reste l’élément moteur de cette mouvance social-démocrate et porte donc la responsabilité majeure de la reconstruction. Il doit aujourd’hui, et d’urgence, approfondir son identité nouvelle, en termes de réflexion théorique, de projet de société et de programme opérationnel. Il a fait de la « social-écologie » sa devise, ajoutant à son héritage social l’urgence écologique. Et les municipales ont montré que nombre de collectivités dirigées par des socialistes, à l’exemple de Paris, Rennes ou Nantes, ont mis en pratique avec succès cette exigence politique nouvelle.
Il doit aussi revendiquer son histoire et son identité républicaines. En effet, il est le seul dans l’alliance à porter vraiment dans son ADN cet héritage, et j’ai la conviction que seuls ceux qui porteront cet héritage et inscriront les combats futurs dans le récit national républicain français, seront en mesure de rassembler une majorité sociale et politique.
Social, Ecologie, mais aussi « République », tels sont donc, tels devraient être, les trois piliers qui constituent son identité, peuvent assurer son renouveau et conquérir de nouveaux horizons.
Et il y a beaucoup à dire –et à faire – pour définir et faire vivre chaque pièce du tryptique.
[1] Le PS n’a pas fait autre chose dans les années 1970-80…