LES SEPT « PILIERS » D'UNE GAUCHE RÉINVENTÉE

Publié le par Xavier GARBAR

Il faut savoir accepter les réalités et tourner la page quand celle-ci est saturée, afin d’en écrire une nouvelle.

La gauche d’hier se meurt. Le paysage politique qui a accompagné notre vie militante depuis des décennies a changé. Il peut ne pas nous plaire tel qu’il est. C’est le cas pour ce qui me concerne.

 Mais la résignation n’est pas mon fort. Les valeurs humanistes et le projet d’une société plus juste ne sont pas disqualifiés par la réalité du monde d’aujourd’hui. Seuls les outils et le  chemin sont à réinventer. La gauche d’hier se meurt, la gauche de demain peine à naître. Mais de cette crise peut sortir une gauche réinventée. Le monde, et l’humanité  en ont  besoin.

Les pages qui suivent se veulent une modeste contribution à la définition d’une gauche qui pourrait selon moi être en mesure de se redresser, de rassembler et enfin de l’emporter.

Une  gauche réinventée doit à la fois s’inscrire dans la continuité et la fidélité à son Histoire et maintenant intégrer définitivement  à son ADN les nécessités et les réalités contemporaines et futures.

Cette gauche, à mon sens doit s’appuyer sur sept piliers. Les sept piliers d’une gauche réinventée. Celle-ci devrait être « populaire », sociale, libératrice, républicaine, écologique, européenne et « utile ».

 Brièvement évoqués ci-dessous, pour ouvrir le débat, ces sept « piliers » feront l’objet de diverses pistes de réflexion dans les articles qui suivront, afin de nourrir le débat.

 

  1. Une gauche populaire

La crise sociale dit des « Gilets jaunes » et d’une façon plus générale les progrès du populisme[1] en France et en Europe montrent à l’évidence que la gauche a perdu l’hégémonie culturelle, idéologique au sein des classes populaires. Or, il me semble indispensable de réaffirmer avec force que la raison d’être de la gauche est de représenter les couches sociales qui ne disposent pas a priori des moyens, matériels, culturels, techniques, de défendre leurs intérêts toutes seules, contrairement aux classes possédantes. « Le Peuple sans la gauche est désarmé, la gauche sans le peuple est illégitime !  »

  1. Une gauche « sociale »

 

Pour regagner la confiance de cette partie de la population, encore faut-il mener une politique qui réponde à ses  besoins et préoccupations et (re)construire un parti, un mouvement, une organisation ( ?) qui lui soit accessible, accueillant et utile.

La gauche doit renouer – car il faut bien avouer  le manque d’empathie de la gauche « gestionnaire » avec ceux qui sont à la peine au quotidien et  qui a permis au fossé de se creuser - avec un programme et des propositions qui répondent, notamment en matière d’emploi et de pouvoir d’achat, aux besoins et aspirations des catégories sociales qu’elle aspire à représenter.

Mais peut-on représenter durablement un milieu auquel on appartient de moins en moins ?

 

  1. Une gauche libératrice

 

La gauche française depuis Jaurès et l’affaire Dreyfus, a réalisé la synthèse entre le libéralisme (politique) issu des Lumières, de la Révolution Française et du mouvement républicain du XIXème siècle d’une part et la défense des intérêts des classes laborieuses issues de la révolution industrielle d’autre part. Pour Jaurès, le socialisme est l’accomplissement de la République. La République poussée jusqu’au bout : liberté, égalité, fraternité.

 

Si la gauche du XXI ème siècle doit replacer le social (négligé depuis quelques décennies) au même rang que le sociétal, celui-ci doit rester une préoccupation de tous les instants d’une gauche qui se respecte. Libertés politiques, égalité Hommes-femmes, respect et égalité devant la loi de toutes les options philosophiques et religieuses, défense des droits de l’Homme et abolition de la peine de mort, mariage pour tous, politiques humaniste vis des phénomènes de migration, l’honneur de la gauche est d’être et de rester fidèle à ces valeurs.

 

  1. Une gauche républicaine

 

La spécificité de la gauche française, dans toutes ses  composantes est son inscription dans le combat républicain. Si l’on doit reconnaître que la République n’appartient pas à la gauche et que d’autres courants politiques ont compté dans leurs rangs de valeureux républicains, force est de reconnaître que la gauche fut toujours son aile marchante.

Au-delà des thématiques de la devise Liberté, Egalité, fraternité, traitées plus haut et qui constituent les premiers piliers de son identité, la gauche, en tout cas celle que j’appelle de mes vœux, aurait tort de laisser à d’autres et notamment aux populistes et conservateurs de tous poils, d’autres éléments fondateurs de la République : l’attachement à la Nation, le Patriotisme, la  Laïcité, la valeur travail, la Citoyenneté conçue comme l’exercice des droits mais aussi des devoirs, …

La frilosité d’une certaine gauche vis-à-vis des fondamentaux républicains explique, peut-être autant que les politiques sociales insuffisantes, l’éloignement des couches populaires d’une gauche « boboïsée ».

 

  1. Une gauche Ecologique

Loin de n’être qu’une pathétique tentative de récupération d’une thématique à la mode, l’intégration de l’exigence écologique dans le combat de la gauche, est une obligation autant morale que rationnelle.

Contre ceux qui, pressés sans doute de se débarrasser enfin de cette gauche si malcommode, chantent la fin du clivage droite-gauche et son remplacement par un face à face entre gentils écolos et méchants destructeurs de la planète, nous sommes nombreux à penser que , tout comme elle avait fait la synthèse entre libéralisme politique issu de la Révolution française et socialisme porteur des aspirations des salariés, le devoir historique de la gauche, aujourd’hui  est de réaliser l’intégration de l’urgence écologique à ses combats progressistes historiques.

Qui, par ailleurs peut croire que les formidables défis qu’il faudra relever pour combattre le réchauffement climatique, l’épuisement des ressources, l’extinction des espèces, la pollution des terres, etc. pourraient l’être durablement et à l’échelle planétaire par ceux qui mettent en avant la seule loi du profit ou les égoïsmes nationaux ?

  1. Une gauche Européenne

Si nous tenons à notre Nation et à son Histoire, à notre modèle social et son message universaliste, nous avons aussi conscience que face à la mondialisation, aux menaces que celles-ci fait peser sur les conditions de vie des êtres humains et l’avenir de la planète, mais aussi aux défis de la révolution technologique et numérique, face à la montée de géants économiques et politiques nouveaux, aux dangers d’une géopolitique  instable, la dimension nationale de l’action politique est insuffisante et pour tout dire dépassée. C’est la grande faiblesse des populismes, vautrés dans leurs égoïsmes nationalistes, et de la gauche radicale isolée dans ses certitudes et  inapte aux compromis.

La dimension européenne est la seule qui réponde à l’exigence du moment et la gauche doit s’en emparer. Pour autant, le bilan de la social-démocratie européenne est tout sauf satisfaisant et ses concessions aux conservateurs et aux politiques néo-libérales ne sont pas pour rien dans les succès du populisme sur le continent et  son actuel déclin. Là aussi, une remise à plat est indispensable et nécessaire pour pouvoir espérer une « renaissance ».

  1. Une gauche Utile

Enfin, septième pilier, cette gauche réinventée doit être « utile ». Qu’est-ce à dire ? Qu’elle ne doit pas se limiter à  la seule dénonciation, se contenter  de jouer le rôle de tribun de la plèbe, qu’elle ne choisisse pas stratégies et tactiques vaines, qu’elle ne se complaise pas dans une facile et confortable opposition qui procure sans doute satisfaction personnelle et épanouissement à ses porte-parole mais n’améliore pas, in fine, le sort du plus grand nombre ni l’avenir de la planète, en bref qu’elle se donne les moyens idéologiques, programmatiques, stratégiques de conquérir le pouvoir,  en accepte les responsabilités et les contraintes et assume  de l’exercer  pour transformer la société.

 

[1] Définissons ici sommairement le populisme comme un régime qui tout en s’appuyant sur les classes populaires  mène in fine une politique qui leur est défavorable.

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