EN VRAC ET A CHAUD !

Publié le par Xavier GARBAR

EN VRAC ET A CHAUD !EN VRAC ET A CHAUD !

En vrac et à chaud, je livre ici quelques-unes de mes premières réactions après le « tsunami » macroniste qui va donner au président une majorité pléthorique pour appliquer son programme :

 

  1. Cri du cœur

    Après la débâcle du PS de ce week-end j’ai l’irrépressible besoin de réaffirmer avec fierté la devise de ce blog : « Républicain et socialiste », je revendique bien haut ces deux qualificatifs, et me déclare ouvertement, fièrement, et dans cet ordre, Républicain et Socialiste».
     

    J’aurais presque envie d’ajouter : « Plus que jamais », mais je ne suis ni sourd, ni aveugle, ni borné, et ce cri du cœur ne me dispensera pas de faire l’analyse et l’inventaire de tout ça.

     

  2. Autocritique

    Lorsqu’on perd, et à plus forte raison quand la défaite est aussi sévère, il faut commencer par son auto critique.

     

    1. Comme beaucoup, je n’ai rien vu venir et je reconnais, en relisant les articles des derniers mois ne pas avoir prévu un tel scénario. Celui-ci bouleverse toutes nos données et nécessitera un travail approfondi d’analyse. Comme quoi, il faut toujours rester modeste dans ses avis.

       

    2. Le PS, avant d’être un parti, était d’abord un « espace politique » comprenant plusieurs millions de citoyens porteurs de valeurs de progrès social, d’égalité, de laïcité, soucieux des plus défavorisés, mais « en même temps » (!), soucieux de réalisme et de rigueur gestionnaire. Ce courant « réformiste » existe encore et existera selon moi, encore longtemps.

      Le Parti socialiste qui était le berceau de cette mouvance politique n’a pas su mettre à jour sa doctrine et l’adapter au monde d’aujourd’hui, le monde de la globalisation économique, de la construction européenne, des réseaux sociaux et des nouvelles technologies. Faute d’avoir pu montrer comment il pouvait permettre la prolongation et la modernisation du modèle social républicain (pour faire très court : économie mixte, services publics étendus, protection sociale généreuse) en le modernisant et l’adaptant au monde réel, le PS a loupé le coche.

      En cause les synthèses ambigües et foutraques, alliant depuis vingt ans tout et son contraire, et que tous les courants du PS acceptèrent – y compris Mélenchon en son temps – parce que derrière cette unité factice, chacun y trouvait son intérêt, les notables, parce que, confortablement installés dans l’opposition, ils gagnaient les élections locales, départementales et régionales, les minorités de l’aile gauche parce qu’avec l’étiquette socialiste, ils parvenaient là où ils étaient bien implantés, à gagner quelques positions de pouvoir qu’ils n’auraient jamais pu obtenir seuls.

      Cette fausse unité entre gauches déjà irréconciliables depuis longtemps sur le fond, a éclaté en morceaux durant le quinquennat de François Hollande.

      Contrairement au refrain bien orchestré – par les frondeurs, l’extrême gauche mélenchoniste et la plupart des médias, celui-ci n’a pas trahi ses engagements (il n’est qu’à lire son vrai programme et à comparer avec les réalisations). Mais il a trahi aux yeux de beaucoup ce qu’une partie importante de la gauche avait dans son imaginaire. Et la déception et la colère qu’a suscité la gauche de gouvernement sont à mettre en regard des attentes et espérances que des années de flou idéologique, de paresse intellectuelle, avaient laissé subsister dans ce « peuple de gauche ».

      Le PS n’a pas su, pas pu, dans ce contexte, expliquer sa politique « sociale-démocrate », revendiquer une nouvelle forme de compromis social.

      Alors, déboussolé par des résultats trop tardifs, par la division étalée en plein jour, par une irresponsabilité inouïe (je vise les frondeurs prêts à voter la censure mais aussi un président si imprudent face aux médias), cet électorat, dans sa grande majorité, a préféré migrer vers une offre politique nouvelle qui semblait annoncer plus clairement la couleur.

       

      Le reste n’est que péripéties (une primaire désertée par cet électorat modéré, les petites manœuvres de diversion sabotant la candidature de Manuel Valls, la victoire avec l’appoint de l’électorat du front de gauche d’un candidat plus « écolo-libertaire » que socialiste, évidemment non représentatif du courant social-démocrate et sa déroute prévisible à la présidentielle, entraînant dans sa chute l’ensemble de l’édifice)

Ne regrettons pas ce qui était sans doute inévitable et prenons en acte pour avancer.

Ne perdons pas notre temps dans les polémiques d’arrière garde et les invectives blessantes. Chacun, sans doute, a cru agir dans l’intérêt général . Simplement, on ne le voit pas tous de la même façon.

Ce qui n’empêche pas d’avoir une pensée pour tous les militants et les élus qui se sont dépensés sans compter et qui subissent aujourd’hui une injuste sanction.

Pansons les blessures, respirons. Le temps du travail va bientôt venir. Pas trop tard si possible. Il faudra alors, réfléchir, analyser, construire.

 

3) La nouvelle donne politique : un autre monde ?

 

On a déjà dit beaucoup de choses vraies sur les dangers d’une majorité pléthorique : inexpérience de nombreux nouveaux députés, proies faciles des lobbies, jouets des technocrates et des cabinets ministériels, risque de n’être que des députés « godillots » obéissant au doigt et à l’œil à un exécutif tout puissant, bien que pourvu d’une légitimité toute relative, eu égard au score du président au premier tour de la présidentielle et à l’abstention record – plus d’un électeur sur deux – aux législatives, absence de réelle opposition au sein du parlement, à l’exception des extrêmes de droite et de gauche, et donc risques de transporter les conflits dans la rue, etc.

Au-delà de ces inquiétudes que je partage, ma première impression, sans doute amplifiée par l’amertume de la défaite est que cette nouvelle donne politique est assez loin de « mon monde » : campagnes électorales reposant sur des techniques de marketing, candidats sélectionnés de manière technocratique et ultra centralisée avec CV et « entretiens d‘embauche », choix final reflétant, au moins autant que la fameuse et vertueuse « société civile », le monde des cabinets ministériels, de la haute administration, du patronat et des professions libérales.

Bref, on a remplacé le militantisme par le marketing et le big data, le citoyen par le consommateur, les profs et techniciens par les diplômés d’écoles de commerce, le choix réfléchi des électeurs par le « dégagisme » inspiré de la télé réalité…

Oui, je sais, je noircis un peu le tableau.

 

4) Parier sur l’avenir avec optimisme

 

Tout n’est pas à jeter, loin de là, dans le projet du nouveau Président.

Président pour qui, rappelons-le, beaucoup de socialistes et sympathisants ont voté dès le premier tour et la quasi-totalité au second.

Tout n’est pas à jeter, d’abord parce que son programme prolonge dans un certain nombre de domaines la politique du quinquennat précédent, notamment en matière économique et sociale, dont les résultats positifs, pour trop tardifs qu’ils soient, vont permettre au nouveau pouvoir de débuter son action dans un contexte infiniment meilleur que son prédécesseur, dans le domaine de la moralisation du monde politique aussi, largement entamée par les gouvernements de François Hollande, les médias devraient avoir l’honnêteté de le rappeler.

 

Parce qu’il serait catastrophique et ouvrirait la voie aux extrêmes populistes, nous ne devons pas parier sur l’échec de ce nouveau quinquennat et au contraire appuyer tout ce qui va dans le sens de l’intérêt général de la Nation – et sur de nombreux points des consensus peuvent être trouvés, par exemple en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme ou en matière de laïcité - et dans le sens de nos valeurs de progrès social et sociétal.

 

Un des points positifs du « moment » Macron est son optimisme, sa volonté de regarder l’avenir avec confiance et détermination. Cela change de l’exploitation des peurs et angoisses sociales, de la défiance permanente et de la dépression collective entretenue par les populistes de tous poils.

 

Certes, certains aspects du programme de Macron sont flous, ambigus, voire franchement dangereux : ainsi de sa vision et des projets en matière de dépenses publiques, de fonction publique, d’augmentation de la CSG, de politique de santé, sa volonté d’aller plus loin dans la modernisation du code du travail que le compromis trouvé – ô combien laborieusement – avec les organisations syndicales réformistes, etc.

 

Avec le peu de députés de gauche qui siègeront, le rapport de force sera peu favorable.

D’où l’urgence de reconstituer, sans tabou, sans limitation ou exclusives, avec tous ceux, y compris dans la majorité présidentielle, qui souhaitent moderniser la pensée de la gauche réformiste, une force politique progressiste qui pèse.

Car ma conviction est que cette majorité est loin d’être homogène. Elle fait bloc pour l’instant, ce qui est normal et compréhensible, mais la pensée de Macron reste sommaire et limitée à quelques grands principes. Les nuances ne tarderont pas à apparaître au sein de cet ensemble plus disparate qu’il n’y parait. Et il serait fou de penser pouvoir reconstruire la gauche réformiste « à côté » de la majorité présidentielle. Elle doit se reconstruire aussi dedans.

Encore une fois, je ne préconise pas d’œuvrer – ce qui serait bien prétentieux au demeurant, vu l’état de forces en présence – pour diviser, dynamiter l’unité de la majorité. La possibilité d’une coalition durable ou de majorités ponctuelles avec le centre ou le centre droit doit même être une des composantes de la doctrine de la gauche réformiste à construire, mais cela ne peut en aucun cas dispenser de reconstruire une force politique de gauche , défendant l’intérêt général de la nation mais aussi prioritairement les classes populaires et moyennes, dont la représentation fait partie de l’ADN de la gauche.

 

Il faut reconstruire la gauche réformiste, républicaine et laïque. Avec et dans le parti socialiste si c’est possible – donc sans les minorités frondeuses – ou ailleurs si nécessaire.

Car ma conviction, a priori, est que les électeurs partis chez Macron, (ce fameux « espace politique réformiste ») sont loin d’avoir fait un choix définitif, à condition qu'une nouvelle offre politique de  gauche réformiste présente un projet clair, une doctrine modernisée, une pratique politique renouvelée, avec une nouvelle génération de cadres et de leaders solides, honorables et crédibles.

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
K
Tout fait d'accord avec ce point de vue.<br /> Emmanuel Macron est un type très intelligent et cultivé, comme le montraient pendant la campagne présidentielle un certain nombre d'interviews. D'ailleurs, le débat télévisé avec M Le Pen a été maitrisé par lui avec brio, il a su être pédagogue, ce que F Hollande n'est jamais parvenu à faire.<br /> Il va maintenant profiter d'une situation politique et économique bien meilleure que celle que le PS a trouvée en 2012. Meilleure situation économique et politique aussi en Europe. Plus le repoussoir Trump, ça fait beaucoup d'atouts. <br /> Il a fallu en tout état de cause qu'une accumulation de facteurs favorables jouent pour qu'on en soit arrivé là: Renoncement de F Hollande, très mauvaise campagne de Hamon, se positionnant beaucoup trop à gauche, catastrophe concernant Fillon. Il a su en tirer parti et finalement, l'éclatement de la gauche n'a pas abouti au duel prévisible Fillon/Le Pen. <br /> A présent, les choses difficiles arrivent, on passe à la gestion. Le monde est instable et il peut arriver des catastrophes (je pense au moyen orient avec l'Arabie saoudite, aux divisions intra-union-europennes par exemple). <br /> Si on reconstruit une social démocratie, ce ne peut être qu'en prenant en compte les données actuelles tant française (le vieillissement de la population, les inégalités) qu'internationales (l'immigration, la poussée des religions) toutes choses sur lesquelles nous n'avons pas beaucoup travaillé, pas plus que les autres forces politiques, LREM y compris.
Répondre