23 AVRIL 2017 : VOTE PAR DEFAUT !

Publié le par Xavier GARBAR

23 AVRIL 2017 : VOTE PAR DEFAUT !

Donc ce sera un vote par défaut.

 

Au second tour, c’est déjà arrivé, et nombre de citoyens y sont régulièrement contraints, puisque la règle fixée par la Constitution de ne laisser que deux candidats au second tour de l’élection présidentielle oblige de fait une majorité d’électeurs à appliquer la règle : « Au premier tour on choisit, au second on élimine ».

 

Mais cette année, c’est dès le premier tour que nombre de citoyens vont se trouver confrontés à cette épreuve.

 

On analysera plus tard les raisons qui nous ont conduits à ce morose et inédit cas de figure, à cette offre politique surréaliste, qui occulte un courant de pensée majeur de la société française et aligne des candidats à la crédibilité et la fiabilité pour le moins incertaines

 

Qu’on en juge :

 

A l’extrême droite, une candidate populiste ayant le vent en poupe, qui surfe sur les scandales et le « rejet du système », que tous les sondages sans exception placent en tête du premier tour avec un bon quart de l’électorat – un français sur quatre !!

Une candidate richissime, une grande bourgeoise de la banlieue Ouest, une héritière, ayant vécu toute son enfance dans un château, qui se présente – et ça marche ! - comme la « candidate du peuple contre les élites » !!

Chef d’un parti fondé par des activistes d’extrême droite, certains anciens collabos, beaucoup de pétainistes, et même des anciens Waffen SS, elle ose – et ça marche ! – le présenter comme le parti des « patriotes » !!

Ce parti, qui a multiplié les magouilles financières[1], argent d’origine mystérieuse, montages complexes, emplois fictifs, etc. ose – et ça marche ! – se présenter comme le parti des honnêtes gens face aux scandales d’un système politico-médiatique dont il sait si bien profiter.

Un parti sans principes, qui, tournant le dos sans explication à son programme ultra libéral – et pro- patronal - des années quatre-vingt, défend maintenant un programme protectionniste aussi irréaliste et peu crédible que dangereux, y inclut des mesures sociales avancées, proches de l’extrême gauche, afin de séduire – et ça marche ! – un électorat populaire désorienté par les multiples et complexes conséquences de la mondialisation.

Tout cela bien sûr en conservant le principal, un racisme à peine dissimulé[2], un discours de haine, aux antipodes des valeurs généreuses et progressistes de la République française.

 

A côté, une mouvance conservatrice, qui n’a cessé depuis des années de se « droitiser », qui a, depuis les années quatre-vingt, et dans le sillage de Thatcher et Reagan, abandonné la vision volontariste et parfois sociale du gaullisme pour se rallier à l’idéologie ultra libérale, et dont le rêve est de mettre à bas le « modèle social républicain issu des conquêtes du mouvement ouvrier et  du programme du Conseil National de la Résistance. Une droite décomplexée, en particulier depuis le leadership toxique d’un Sarkozy, et qui flirte de plus en plus avec les thématiques sécuritaires malodorantes de l’extrême droite, autorisant par là-même, la partie la plus fragile de son électorat à ne plus voir de vraie frontière entre droite républicaine et extrême droite.

Cette droite, qui a, lors de ses primaires, désigné un leader porteur d’un programme ultra libéral en économie, ultra conservateur sur les questions de société et cru avoir choisi un homme moralement inattaquable, …avec la suite qu’on connait !

Le discrédit du personnage, du fait du scandale qui lui colle aux basques et de son programme socio économique extrémiste, est dangereux pour la République, car il rend hypothétique le « vote « républicain » de nombre d’électeurs de gauche en sa faveur si d’aventure il restait seul face à l’extrême droite au second tour.

 

 

La gauche, quant à elle, mérite cette fois à coup sûr le qualificatif de « la gauche la plus bête du monde » !

Qu’on en juge : Passons rapidement sur les inévitables et folkloriques sectes de l’ultra gauche (NPA, LO, &Cie) qui vont cette année faire de la figuration et allons à l’essentiel.

 

A ma gauche l’inénarrable Mélenchon, dont le programme m’aurait bien plu…en 1970, quand les Etats avaient encore les moyens d’une politique industrielle, monétaire, budgétaire, et commerciale, totale et entière. Le monde a changé, l’environnement européen a changé, les partenaires ont changé, la France a changé, la société a changé. Tout a changé, Jean Luc Mélenchon ne le sait pas, ou plutôt fait semblant de ne pas le savoir, entrainant derrière lui les (souvent sympathiques) nostalgiques des années « Marchais »  et du programme commun de 1972, qui revivent leur jeunesse en se laissant duper par ou en faisant semblant de croire au discours du tribun. Lequel sait naturellement n’avoir aucune chance d’appliquer un jour ce programme ! Ce n’est d’ailleurs pas son objectif, qui est, après avoir ridiculisé le parti communiste, de ruiner le parti socialiste et devenir le seul « lider maximo », le tribun de la plèbe, de la gauche d’opposition.

 

Non loin de là, les frondeurs du parti socialiste ont gagné leur pari. Surfant sur l’impopularité du gouvernement sortant, impopularité qui comme chacun sait leur doit beaucoup, et profitant simultanément de la démobilisation de l’électorat légitimiste du PS[3] et de l’appoint, qui reste à quantifier, mais qui fut sans doute non négligeable, d’électeurs du « front de gauche »[4], ils ont réussi à imposer aux électeurs socialistes un candidat de la minorité du parti.

Benoît Hamon peut bien être sympathique, il n’en est pas moins porteur d’un programme consternant, mêlant irréalisme, amateurisme et concessions à l’air du temps.

Son programme économique, assez proche de celui de Mélenchon, sauf sur l’Europe, est un mélange de keynésianisme classique d’une part avec une augmentation massive des dépenses publiques, sans souci de respecter les engagements de la France auprès des partenaires européens, au risque de perdre toute crédibilité et influence auprès d’eux, et d’autre part de revendications plus ambigües, d’essence plus libérales que socialistes, telle que le fameux et médiatique « revenu universel » au financement, par ailleurs, plus qu’aléatoire.

Il est un représentant assez fidèle de la gauche « bien pensante », la gauche « repentante », la gauche de l’ « excuse sociologique », aux convictions laïques fragiles, toujours menacée,  par antiracisme sincère, de complaisance communautariste, loin des valeurs fraternelles mais fermes de la laïcité républicaine.

Ses options sentent l’amateurisme et la perméabilité aux modes et à l’air du temps (reconnaissance du vote blanc, légalisation du cannabis, etc.)

Rallié enfin, sans condition, à la totalité des options extrémistes d’EELV en matière d’écologie (notamment sur le nucléaire), accordant d’ailleurs à ce dernier des privilèges exorbitants en terme de circonscriptions, sans rapport avec sa représentativité réelle, proche de zéro, et enfin sans aucun signe sérieux de prendre en compte les aspirations des huit cent mille électeurs de Manuel Valls à la primaire, il rend éminemment difficile le rassemblement pourtant si souvent revendiqué.

 

Pour Benoit Hamon, comme on l’a constaté dès sa victoire, le rassemblement c’était d’abord avec Mélenchon (qui n’en veut pas) et les Verts (1 à 2 % de l’électorat) !

 

Sans remettre en cause la qualité personnelle du vainqueur de la primaire et le sérieux avec lequel il a abordé cette consultation (qui trancha avec l’impréparation et la suffisance d’un Montebourg), il me faut bien reconnaître qu’il va falloir beaucoup d’abnégation et de sens de la discipline à l’électeur « socialiste et républicain » pour faire son devoir et glisser un bulletin Hamon dans l’urne du premier tour… épreuve qui ne se répètera évidemment pas puisque ses chances d’accéder au second ne repose plus désormais que sur un éventuel accident simultané des trois, voire quatre candidats qui le précèdent dans toutes les enquêtes d’opinion depuis des semaines.

 

Hélas, hélas, l’épreuve risque fort de se rééditer cependant, au profit cette fois d’Emmanuel Macron !

Bien que les coups de théâtre soient toujours possibles dans cette tragi-comédie, Emmanuel Macron semble pour le moment en position de figurer au second tour.

Lancé avec méthode et force moyens médiatiques à l’été dernier, jouant sur la nouveauté, autant que sur le flou longtemps entretenu sur son programme – est-ce par calcul ou parce que, de contenu, il n’y avait pas ? On ne le saura peut-être jamais – reconnaissons à Emmanuel Macron d’avoir réussi. La bulle médiatique artificielle s’est réellement transformée en phénomène d’adhésion massive d’une couche importante de l’électorat.

 

Que cette adhésion soit totalement irrationnelle (concernant parfois des personnes dont rien dans les opinions antérieures ne laissaient prévoir un tel choix), qu’elle repose sur une fascination, un peu effrayante à vrai dire, pour la personne, plus que sur un contenu programmatique, qu’elle fasse sourire – ou pas – l’observateur régulier de la vie politique ou plus encore le militant laborieux du quotidien, notamment devant l’inexpérience voire l’ignorance quasi totale de la vie politique de nombre de spectateurs électrisés par cet orateur médiocre, force est de constater qu’il se passe quelque chose ! Qu’Emmanuel Macron rassemble des foules que ses concurrents lui envient, qu’il mobilise une partie de la jeunesse, là où les partis traditionnels ne rassemblent que des têtes grises.

Le mauvais coucheur que je suis a bien essayé devant des amis séduits par le personnage, de soutenir, soulevant souvent une forte réprobation devant un propos si scandaleux, que le phénomène Macron avait les mêmes ressorts que le succès de Marine Le Pen : un rejet viscéral du « système », concept aussi flou que commode – une envie de quelque chose de nouveau (« on a tout essayé, ça n’a pas marché, pourquoi pas tenter autre chose »), et le recours au vieux mais toujours vivace slogan « ni droite ni gauche », les classes moyennes cultivées choisissant Macron quand les classes populaires désaffiliées se tournaient vers MLP… rien n’y fait, le satellite a réussi à se mettre sur orbite et semble garder la trajectoire.

 

Alors au-delà du phénomène qu’il faudra analyser avec méthode, regardons un peu son projet et jugeons sur pièces !

Eh bien, désolé, mais, si certaines propositions sont intéressantes (tout comme chez Hamon du reste), d’autres ne passent pas.

La claire remise en cause du statut de la fonction publique républicaine, l’anéantissement programmé de la fonction publique territoriale, la diminution drastique de la dépense publique, la baisse du nombre de fonctionnaires et donc la suppression ou la réduction de services publics, bien au-delà de la politique rigoureuse mais équilibrée du gouvernement sortant, la volonté de placer le curseur bien plus loin dans le libéralisme que le compromis social démocrate, autant de raisons de ne pas voter Macron au premier tour.

Sans compter sur les contradictions (faut-il ou non baisser les dotations des collectivités ? un jour c’est oui, un jour c’est non, comment réduire de 60 milliards la dépense publique et supprimer la taxe d’habitation en la compensant entièrement par l’Etat ?)

Sans compter sur les dérapages inquiétants (la colonisation crime contre l’Humanité, l’humiliation de la manif pour tous, etc) qui laissent à voir un homme visiblement incapable de n’être pas influencé par le public auquel il s’adresse.

 

Très difficile pour le « socialiste et républicain » laïque, soucieux d’équilibre, de voter pour un candidat pas vraiment social, mais réellement libéral, qui ne se veut ni de gauche ni de droite mais dont les soutiens proviennent de plus en plus de ce dernier côté…

Tout au moins au premier tour. Car bien sûr, au second, c’est sans hésitation, si telle est l’alternative, que je le préfèrerai à la candidate antirépublicaine.

 

Ainsi donc, le premier tour sera pour moi, et pour la première fois depuis longtemps, une épreuve.

Pas de candidat de la gauche du réel, défendant avec courage le bilan d’un quinquennat qui n’a pas démérité et inscrivant son action dans le monde tel qu’il est et non tel qu’on le rêve.

 

Pas de candidat social démocrate, ou plutôt « social-républicain », porteur d’un projet de société, qui s’appuie sur les conquêtes du mouvement républicain, des gouvernements de gauche, et des acquis des luttes sociales, pour améliorer toujours plus notre modèle social, alliant économie de marché régulée et législation protectrice des travailleurs et des plus démunis, rôle majeur et structurant des services publics et protection sociale généreuse.

 

Pas de candidat, enfin, incarnant avec fermeté et générosité les valeurs de la République, la Liberté, liberté d’expression, liberté de conscience, liberté des femmes, liberté sexuelle, liberté de s’affranchir des déterminismes communautaires, l’Egalité, égalité des chances, égalité des droits mais aussi équilibre des droits et des devoirs, la Laïcité, bouclier des libertés individuelles contre tous les communautarismes, mais aussi le droit à la sécurité,  l’égalité femmes-hommes, la valeur travail…

 

Je me sens orphelin.

 

Le 23 avril 2017 sera un jour difficile…

 

[1] Comme du reste son fondateur, Jean Marie Le Pen, dont la fortune personnelle provient d’un bien curieux héritage d’un industriel du béton…

[2] Pas du tout dissimulé chez ses militants, comme ont pu le constater tous ceux qui ont observé les slogans hystériques « On est chez nous », des meetings de Marine Le Pen.

[3] Un million de participants en moins lors de la primaire de 2017 par rapport à celle de 2011 !

[4] En 2011, on sait que le succès – relatif - d’un Montebourg  avait beaucoup bénéficié d’un tel renfort

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