"LES TROIS M"
« Les trois M »(1),
M comme Macron,
M comme Mélenchon,
M comme Montebourg
…
M comme … « Machine à perdre »… ?
Consacrons quelques lignes pour donner un premier avis sur ceux qui devraient être les trois principaux concurrents (adversaires ?) du candidat de la gauche réformiste. Pour ne vexer personne, prenons les dans l’ordre alphabétique.
Macron, « un peu court, jeune homme ! »
Il ne refusera pas d’être considéré comme le moins à gauche des trois. D’ailleurs s’il se définit comme progressiste il veut dit-il dépasser le « vieux » clivage droite-gauche et être le candidat de la modernité, d’un nouvel élan, donner une nouvelle dynamique au pays, le faire entrer, contre tous les archaïsmes et les corporatismes, dans le XXI ème siècle…
Belle perspective mais qui manque singulièrement de fraicheur et …de contenu.
Ce discours, j’ai l’impression de l’avoir cent fois entendu depuis plus de quarante ans que je m’intéresse à la vie politique. Périodiquement, on ressort ce refrain de la modernité, combat des Modernes contre les Antiques.
Bien sûr, les médias, singulièrement aujourd’hui où ils sont concurrencés et influencés par les réseaux sociaux, n’ont pas de mémoire et, quand ils sont en panne d’inspiration ils ressortent les « marronniers » qui font recette auprès des nouveaux lecteurs (« le classement des lycées, des hôpitaux, des grandes écoles », « les secrets de la franc-maçonnerie », « comment perdre des kilos avant l’été », etc.) et avant les élections, on sort le candidat surprise, le candidat neuf qui sort des classements habituels.
En général ça marche un temps et intéresse des lecteurs et électeurs jeunes, ou qui s’intéressent par intermittence (courte en général) à la vie politique.
On a ainsi eu Monsieur X, candidat secret à la présidentielle de 1965, Jean Jacques Servan Schreiber dans les années soixante-dix, Bernard Tapie dans les années quatre-vingt dix (après avoir failli avoir Coluche avant 1981). Les Verts ont pu un temps jouer ce rôle de « nouveaux venus tous beaux tous neufs », mais faute d’avoir pris Nicolas Hulot comme porte-drapeau, ils sont retombés dans la « médiocrité politique ».
Ces héros médiatiques font illusion un temps et retombent dans l'oubli, dès que leurs admirateurs enthousiastes (2) ont épuisé leur (éphémère) intérêt pour le débat citoyen, que les médias, qui adorent brûler ce qu'ils ont encensé hier, les boudent, et enfin dès qu'il apparaît que les brillantes généralités ne sont pas suivies de propositions solides, crédibles et concrètes.
Sans doute cette critique est-elle un peu facile je l’avoue, car il reste encore du temps à Macron pour décliner son projet. Mais force est de constater qu’il semble bien vouloir jouer la montre et nous faire languir.
Jusqu’ici, rien de nouveau, rien de structurant, rien de scandaleux non plus, il ne faudrait vexer personne à ce stade.
Tout juste quelques bonnes idées générales (le départ variable et choisi de l’âge de départ en retraite), des évidences pas vraiment nouvelles (« mettre le paquet sur l’école élémentaire », agir contre l’exclusion dans les quartiers difficiles, etc.) et surtout des orientations économiques de nature libérale en faveur de la flexibilité et de la souplesse (on a bien compris que pour Emmanuel Macron, la loi « travail » était bien trop timide en ce sens.
Comme dirait le poète, «C'est un peu court, jeune homme ! », et c’est un peu pauvre au regard du danger réel que constitue cette candidature pour la présence de la gauche au second tour.
Mélenchon
A l’opposé du précédent, Jean Luc Mélenchon, « l’insoumis », se revendique de la gauche, la vraie, la seule, puisque la gauche réformiste, à ses yeux, est passée avec armes et bagages à la droite de l’échiquier politique. Son aversion pour le président l’a même poussé à considérer que Hollande était pire que Sarkozy !
A soixante-cinq ans, il ne revendique pas la virginité en politique ni la nouveauté, ce qui serait de fait difficile à avaler venant d’un politicien expérimenté à la carrière bien remplie(3).
Considérant, sans trop de nuances, que la gauche de gouvernement à trahi, il aspire à rassembler derrière lui, sans se soucier comme en 2012 d’accords d’appareils, notamment avec le PCF, tous les partisans de la gauche « radicale ».
J’ai déjà eu l’occasion de développer dans ce blog les raisons pour lesquelles cette mouvance politique est dans l’erreur historique. Se trompant d’adversaire, d’époque, et de politique, sans projet de société distinct de la gauche réformiste, sans fondements théoriques pertinents, cette gauche est vouée à la disparition. Mais l’Histoire nous montre que les mouvements politiques peuvent durer et péricliter longtemps après la fin de leur utilité historique(4) . Dans l’attente de cette fin inéluctable, la gauche « radicale » peut, soit peser dans le sens d’une politique volontariste et plus sociale dans le cadre d’un compromis avec la gauche réformiste et le centre gauche, soit jouer les « idiots utiles » de la droite et l’extrême droite en neutralisant avec elle des centaines de milliers d’électeurs du peuple de gauche.
C’est malheureusement le choix fait, d’emblée par JL Mélenchon, s’appuyant sur une réelle désaffection –plus affective et « tripale » que raisonnée - d’une partie de la gauche à l’égard du président et son gouvernement, qui a écarté toute idée d’accord ou de compromis. Et d’abord refuser de s’inscrire dans un processus, primaire ou autre, qui l’obligerait à soutenir un candidat de la gauche gouvernementale.
Dans le contexte actuel, de forte montée de l’extrême droite et des thématiques populistes(5), racistes, xénophobes, sa seule présence, avec un score équivalent à 2012 (11%), exclut presque mathématiquement la gauche du second tour de l’élection présidentielle. C’est une lourde responsabilité, qui ne trouble guère notre tribun, qui rejettera forcément la faute sur le président et le gouvernement sortant.
Même en supposant qu’il dépasse la gauche réformiste au premier tour, ce que certains sondages, avec toutes les réserves d’usage, semblent accréditer comme possible, il a peu de chance d’atteindre le second tour et s’il y arrivait, absolument aucune de l’emporter.
Ce dernier cas de figure, qui est l’objectif que Jean Luc Mélenchon poursuit depuis le début (après avoir d’abord pris la place du Parti communiste comme leader de la gauche radicale, dépasser la gauche réformiste) serait – en plus d’avoir permis le retour de la droite – catastrophique pour l’avenir de la gauche et plus encore de la République.
On se souviendra en effet que la gauche, après plusieurs décennies d’absence du pouvoir, n’avait renoué avec la victoire qu’après que le nouveau parti socialiste d’Epinay, sous la houlette de François Mitterrand, ait repris la suprématie à gauche. La longue domination du parti communiste avait auparavant servi de repoussoir commode à la droite pour se maintenir aux rênes de l’Etat. Une nouvelle inversion du rapport de force au sein de la gauche, au profit de la gauche « radicale » (6) sonnerait la domination de la droite sur le pays pour longtemps, et le début d’un démantèlement complet car durable du modèle social républicain français.
Ce serait la seconde mort de François Mitterrand.
Montebourg
Je ne résiste pas à évoquer à propos d’Arnaud Montebourg, la courte fable de La Fontaine « les bâtons flottants »
…On avait mis des gens au guet,
Qui voyant sur les eaux de loin certain objet,
Ne purent s'empêcher de dire
Que c'était un puissant navire.
Quelques moments après, l'objet devint brûlot,
Et puis nacelle, et puis ballot,
Enfin bâtons flottants sur l'onde.
J'en sais beaucoup de par le monde
A qui ceci conviendrait bien:
De loin, c'est quelque chose, et de près, ce n'est rien.
Malgré son côté « bateleur », j’ai soutenu Arnaud Montebourg lors de la primaire socialiste de 2011. Il défendait une vision volontariste de l’action politique, un refus des conséquences de la mondialisation sur le tissu industriel français avec les conséquences que l’on sait sur l’emploi.
Après son bon score de premier tour(7), j’ai approuvé son report sur François Hollande, plus crédible que Martine Aubry, au second tour et apprécié qu’il accède plus tard au ministère de l’industrie.
J’ai cependant été surpris, et déçu, qu’il ne donne aucune suite à cette primaire, et à la dynamique née autour de sa candidature. Notamment que le mouvement « la rose et le réséda » créée pour développer ses idées…n’ait jamais connu le début d’une mise en place.
J’ai été vite inquiet devant l’hétérogénéité et parfois le manque de crédibilité de certains de ses soutiens, et aussi interloqué devant la disparition ou la dispersion tous azimuts de nombre de ceux-ci en quelques semaines. J’ai vite appris auprès certains d’entre eux qu’ « Arnaud était incapable de garder une équipe auprès de lui ».
Tout cela ne présageait rien de bon.
J’ai néanmoins apprécié son action au ministère de l’industrie et qu’il soit notamment – et je le crois sincèrement - solidaire de l’action collective du gouvernement, notamment du CICE, inspiré par Louis Gallois.
J’ai été profondément déçu de son théâtral départ improvisé, mal préparé, ou plutôt de l’aveu même de ses proches, nullement préparé, entraînant dans sa maladresse le pauvre Benoît Hamon, qui venait d’accepter le grand ministère de l’Education Nationale (8), et avec qui il bricola laborieusement le récit d’un départ concerté et prémédité.
L’article de mon blog s’intitulait alors : « On ne se mutine pas pendant une tempête». Utile à la gauche comme aiguillon au sein d’un gouvernement plus modéré, il devenait nuisible dès lors qu’il rejoignait la meute des opposants de tous poils.
Au moins pouvait-on penser qu’il mettrait à profit son temps libre (9) pour coucher sur le papier ses analyses, ses réflexions, ses propositions…Mais rien ne vint d’autres que quelques formules à l’emporte pièces.
Malheureusement, les pressentiments du début ne faisaient que se confirmer…une belle façade, pas grand-chose derrière.
Après une disparition dans le monde des entreprises – pourquoi pas, mais le contenu de cette « immersion » prête à sourire – le voici qui réapparaît…avec toujours aussi peu de matière. N’est pas Chevènement qui veut…ou alors, pour imiter Victor Hugo, on a affaire à « Chevènement le petit ».
Reconnaissons lui néanmoins qu’en s’insérant dans le jeu de la primaire, et en espérant qu’il en respectera les règles s’il n’est pas en tête, il ne nuira pas comme les deux précédents à l’avenir de la gauche.