Se dit de la gauche qui accède aux rênes du pouvoir, en accepte les responsabilités, en prend les risques (notamment celui de se tromper parfois, d'être incompris et/ou impopulaire), qui accepte aussi de procéder aux compromis inévitables, parfois de modifier son point de vue initial, voire de changer d'avis devant les contraintes du contexte, financier, économique, politique, international, etc.
Chaque compromis, chaque ralentissement, chaque bifurcation seront évidemment considérés par les « purs et durs » (ou se croyant tels) comme des reniements, des trahisons.
Et de fait, le risque existe réellement que la gauche au pouvoir trahisse gravement son idéal et ses valeurs. L'histoire l'a montré plus d'une fois.
L'exemple le plus incontestable en a été donné par les expériences tragiques et sanglantes du communisme, qu'il soit stalinien, maoïste, cubain, cambodgien ou coréen !
Sur des périodes plus courtes certes, mais néanmoins peu glorieuses, les socialistes et d'une manière générale la gauche réformiste n'ont pas échappé à de graves dérives. On peut citer en exemple les socialistes français ayant largement manqué, après la seconde guerre mondiale, la décolonisation et toléré, voire parfois encouragé, contre les mouvements indépendantistes, une répression et des méthodes (comme la torture en Algérie ) qui ont fait honte à leurs valeurs.
D'une manière générale, les expériences gouvernementales de gauche comportent toutes un bilan nuancé où les – réelles et souvent substantielles - conquêtes sociales sont contrebalancées par des décisions plus contestables et en tous cas contestées. Les avis divergent évidemment pour les qualifier, certains considérant comme reniement ou trahison ce que les autres considèrent comme des compromis, des adaptations, des pauses ou des parenthèses. Tout ici dépend de la position où l'on place le curseur.
Y a-t-il d'ailleurs dans l'Histoire un gouvernement -de gauche ou de droite – qui ait réalisé son programme initial à 100 % et n'ait pris aucune décision non prévue au départ ? Évidemment non, et tout le problème consiste à juger si les écarts constatés n'altèrent pas le message initial et les espoirs des peuples qui ont porté ce gouvernement au pouvoir.
Là encore seule l'Histoire a jugé ou jugera le Front populaire, le gouvernement de Guy Mollet, les septennats de Mitterrand, le quinquennat de François Hollande, ou encore à l'étranger et pour s'en tenir aux expériences démocratiques, la présidence Allende au Chili, celle de Lula au Brésil, le gouvernement de Tsipras en Grèce, etc.
Ce qui caractérise justement toute « gauche de gouvernement » c'est qu'elle prend le risque, parce qu'elle considère que la réussite nécessite la durée, de braver l'impopularité momentanée (du moins l'espère -t-elle) de ses propres soutiens. La « culture de gouvernement », notion apparue lors de la longue présidence Mitterrand, consiste justement à en finir avec les expériences éphémères où la gauche réalisait des réformes flamboyantes et se retirait très vite, balayée par l'adversité, le mur de l'argent mais aussi parfois la sanction d'électeurs déçus, mécontents et désemparés..