ELEVONS LE DEBAT! Est-ce trop demander de ne pas tout tirer vers le bas ?
Publié le
par Xavier GARBAR
Les commentateurs de la presse, dans leur habituel élan de « panurgisme » béat, réduisent le débat politique des prochains mois à la seule question de savoir comment la droite et la gauche de gouvernement (le PS et l’UMP[1], Hollande et Sarkozy) vont passer le cap du premier tour de la prochaine présidentielle, et quels stratagèmes diaboliques ils vont déployer à cette occasion.
Et chaque éditorialiste, de droite et de gauche (si tant est qu’il existe une presse de gauche en France), y va de son imagination pour traquer les grandes manœuvres qui auraient commencé, les changements d’alliance qui se trament dans l’ombre, donnant comme toujours de la politique une image de petites combines et de basses manœuvres qui ne reflète en premier lieu que leur propre médiocrité et l’incapacité qu’ils ont, depuis le temps où ils monopolisent les antennes et les rédactions, d’imaginer que la politique puisse être autre chose que cela.
Cette manie des médias français de tout tirer vers le bas, cette impossibilité de se hisser au dessus du niveau du caniveau n’est évidemment pas pour rien dans l’ambiance délétère de notre débat démocratique, dans le climat de défiance généralisée et systématique qui a gagné toutes les couches de la population.
Plus personne ne croit plus en rien, le scepticisme s’est généralisé, la dynamique est toujours tournée vers le négatif, aucun progrès ne peut plus être accompli et reconnu puisque systématiquement, les médias ne retiendront, ne mettront en avant, ne feront circuler dans les titres qui se répètent en boucle sur les chaines d’infos et les réseaux sociaux, que le détail qui fâche, la mesure marginale qui coince, la petite phrase maladroite du ministre, peu importe que cela soit sans importance réelle, du moment que cela fasse le buzz !
Et comme nous avons, dans ce pays resté rural dans ses mentalités profondes, un vieux fond d’individualisme et de méfiance envers les « puissants », « ceux de là-haut », ceux « qui tirent les ficelles », ceux « qui s’en mettent plein les poches », etc. etc., cette spirale qui nous entraîne vers le fond prend une telle vigueur que rien ne semble plus pouvoir l’arrêter.
Certes le personnel politique n’est pas innocent et bon nombre d’élus, de dirigeants, voire de militants, minoritaires certes mais néanmoins bien visibles et influents, participent largement, par certains comportements, par une moralité incertaine, par un isolement de la vraie vie, à accentuer la gravité de la maladie qui ronge notre république.
Certes certains d’entre eux, tellement coupés de la vie réelle, tellement accaparés par les multiples activités générées par l’exercice des nombreux mandats entrecroisés qu’ils occupent et auxquels ils s’accrochent comme la moule à son rocher, ont tellement « le nez sur le guidon » qu’ils ont oublié depuis longtemps de joindre la réflexion à l’action, et ont tendance à confondre tactique et stratégie, à prendre le chemin pour la destination, et même parfois à oublier la cause initiale de leur engagement…
Même s’il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur l’ensemble des femmes et des hommes politiques dont la plupart sont tout à fait honorables (et ressemblent comme deux gouttes d’eau à leurs électeurs, avec les mêmes qualités et les mêmes défauts), nous avons à l’évidence besoin d’une vaste et salutaire rénovation des pratiques et des partis politiques dans ce pays.
Et plusieurs articles de ce blog ont commencé à proposer des solutions en ce sens.
Certes les aspects tactiques existent depuis la nuit des temps et il serait naïf de le nier. La politique n’en a d’ailleurs pas le monopole : toute lutte d’influence, de pouvoir – où que l’on soit, dans le monde de l’entreprise, dans les milieux associatifs, sportifs, dans les administrations publiques comme en politique, comporte sa part de calculs, d’arrière-pensées, de manœuvres diverses.
Mais tout ramener à ça, réduire le débat politique dans la France de 2015 à ces supposés jeux de pions sur un échiquier, c’est occulter – volontairement ou stupidement – les véritables enjeux de société qui se posent à notre démocratie en ce début de siècle.
Quelle modèle social, quel projet de société portons nous ? Est-il possible de le défendre, le conforter, le réaliser, dans le monde tel qu’il est en ce début du XXIème siècle ? Comment gérer – réformer, préserver, bouleverser ? - l’héritage des générations précédentes, en matière de libertés individuelles, de droits sociaux, de progrès éducatif, et le rendre compatible avec la mondialisation des économies, comment intégrer les bouleversements des comportements individuels générés par la diffusion massive des nouvelles technologies, comment réaliser la transition énergétique et d’une manière générale les impératifs d’un développement durable, comment analyser les nouveaux rapports de force internationaux, etc.
Et comment le faire, avec quels outils théoriques, avec quelles forces sociales, avec quels moyens, telles sont les vraies questions qui devraient structurer le débat politique de notre pays.
Elles ne supprimeront jamais les jeux tactiques, les calculs cyniques et les ruses habituelles des jeux de pouvoir, mais elles en feront ce qu’ils sont : des objets accessoires de la vie politique.
J’ai la conviction que si l’on combine cette approche – quel projet de société veut-on promouvoir – avec d’audacieuses mesures de réforme morale des comportements politiques et un renouvellement substantiel du personnel politique, on mettra un coup d’arrêt sérieux à la tendance lourde à la désaffection voire à la désaffiliation civique qui frappent nombre de nos concitoyens et notamment les plus jeunes.
[1] Désolé mais c’est hors de mes forces de qualifier de « républicains » ceux qui ne sont en réalité que des conservateurs ultra libéraux