La gauche… que j’aime moins, qui me met parfois en colère, est souvent sincère, parfois utile, mais hélas aussi parfois, et même souvent par les temps qui courent, utile…à la droite.
C’est la gauche de la bonne conscience. La gauche qui se pense pure, sans compromission, sans reniement.
Elle ne risque guère de se compromettre en effet, car elle se refuse la plupart du temps à exercer le pouvoir, et ses contraintes.
Quiconque a exercé une responsabilité sait qu’il est obligatoirement confronté tôt ou tard à refuser une revendication, à décider une mesure impopulaire, à ne pas toujours trouver une solution immédiate et/ou complète à un problème. Il sait que, souvent, le contexte, le rapport de force, l’amènent à différer une mesure, à réduire ses exigences initiales, à faire des compromis, à renoncer, même parfois – il n’y a pas de honte à le reconnaître – à une promesse qu’on croyait possible, avant.
Alors, plutôt qu’accepter les responsabilités de gestion, d’un gouvernement, d’une collectivité, et ses inévitables désagréments, plutôt qu’assumer ses choix et affronter une douloureuse impopularité, cette gauche préfère rester dans la posture de l’opposant. Rester vierge de toute salissure. Conserver le confort de l’opposition, la posture de censeur, de dénonciateur sévère des compromissions indignes des (sociaux-) traitres. Dernière illustration éloquente : Varoufakis versus Tsipras.
Minoritaire elle est donc souvent, lors des élections, privée de second tour. Cette gauche, qui a perdu, reproche alors en général à la gauche qui a gagné (avec parfois –mais pas toujours - son désistement plus ou moins explicite) de ne pas appliquer son programme à elle. De ne pas tenir des promesses et des engagements que la gauche de gouvernement n’a pas pris.
Et bien entendu de trahir, confortant ainsi, de concert avec l’extrême droite, les clichés éculés mais hélas bien ancrés dans l’opinion, sur les travers bien connus des « politiciens, tous pourris », etc.
Par parenthèse, l’histoire nous enseigne aussi que lorsque certaine extrême gauche a réussi à accéder seule au pouvoir dans tel ou tel coin du globe – jamais par les urnes notez-le bien– les choses se sont – toujours, sans exception - mal passées. Confrontée aux contradictions de la société, aux réalités du monde, la tendance naturelle de la gauche « pure », est le déni. « Il ne peut y avoir d’opposition populaire ou de grève dans le pays où la classe ouvrière est au pouvoir ». Donc on interdit les grèves, les syndicats, les partis, la liberté de la presse et on invente une autre réalité, fictive, qu’ on essaie de faire gober aux populations par une grossière propagande…Répression, dictature, bureaucratie, et bientôt corruption, misère sociale enfin, telles furent les principales et constantes caractéristiques des expériences de gouvernement de certaines forces politiques qui veulent aujourd’hui donner des leçons de moralité politique aux affreux réformistes.
La gauche que j’aime peu, c’est aussi la gauche irresponsable. Celle qui se soucie comme d’une guigne des conséquences de ses actes. Celle qui joint sans grande gêne sa voix d’opposant aux voix de forces politiques opposées.
Celle qui, parce qu’elle n’est pas d’accord avec la gauche de gouvernement, vote à l’assemblée la motion de censure de la droite à laquelle elle est encore plus opposée.
La gauche qui, alors que retentissent de plus en plus bruyamment à nouveau en Europe les sinistres refrains de l’extrême droite, que celle-ci est en position de conquérir de grandes régions, choisit cependant de multiplier les candidatures, de partir divisés, alors même que toutes ses composantes ont géré ensemble ces dites régions pendant des années, sans le moindre problème sérieux. Et cela pour ne pas être compromis avec l’impopularité de la gauche réformiste et se parer d’une virginité nouvelle.
Cette irresponsabilité gagne aussi parfois la gauche ou plutôt certains responsables de la gauche au pouvoir, ex-ministres ou parlementaires parfois, qui, bien que disposant de tous les moyens de s’exprimer en interne, considèrent que l’avenir de leur carrière prime sur leur devoir de cohésion et de solidarité et se répandent dans les médias et les réseaux sociaux pour soulager leur conscience…à la grande joie de l’opposition de droite qui, détentrice de la plupart des médias, ne se prive pas de relayer à l’infini les états d’âme de ces « idiots utiles » de la droite.
L’intransigeance de cette gauche dite radicale, apparemment si vertueuse, ne peut que conduire à des conséquences néfastes aux intérêts des couches sociales qu’elle se targue de défendre. Le refus de plus en plus systématique des syndicats qu’elle dirige encore de signer les accords dans les négociations sociales, alors même qu’ils en ont signés de moins favorables sous la présidence Sarkozy, affaiblit le point de vue syndical face au patronat et peut priver les salariés d’avantages substantiels.
Pire encore, les divisions politiques exacerbées vont mener inéluctablement au retour d’une droite de plus en plus gagnée par l’idéologie ultra libérale et néoconservatrice, impatiente de déconstruire notre modèle social.
Peut-on se risquer à penser que les dirigeants politiques et syndicaux de cette gauche du refus ne risquent guère de subir eux-mêmes les conséquences au quotidien de ces régressions sociales prévisibles, contrairement à ceux qu’ils prétendent défendre ?
La gauche que j’aime moins, c’est aussi cette gauche de la caricature, de l’approximation, de l’exagération. Comment ainsi peut-on ainsi mettre, sans scrupules intellectuels, dans le même sac les politiques d’austérité menées en Grèce, au Portugal, en Espagne, et la politique du gouvernement Valls ?
Alors que les premières comportaient licenciements de fonctionnaires, baisses drastiques des traitements et des pensions, chômage deux à trois fois supérieurs au nôtre (même si celui-ci n’est pas brillant j’en conviens), aides sociales supprimées, j’en passe et des meilleures, la gestion budgétaire du gouvernement français, certes sévère, certes rigoureuse, se traduit au pire par des non augmentations, des ralentissements de revalorisation, des mesures défavorables parfois mais à la marge.
Comment expliquer du reste que des mouvements du type du« Podemos » espagnol ou du « Syrisa » grec ne se soient pas créés en France, sinon pour une bonne part par la différence de nature des politiques menées ?
Même si évidemment il n’est pas question de nier que la vie est difficile pour nombre de nos concitoyens, même si on désapprouve la politique économique choisie (politique de l’offre plutôt que par la demande par exemple), il est plus que malhonnête de taxer cette politique d’austéritaire, ou alors les mots ne veulent plus rien dire.
L’honneur de la gauche est de contribuer à l’élévation éducative, culturelle, politique des peuples pour en faire des citoyens actifs et responsables. Elle ne peut s’accommoder d’une rhétorique simplificatrice qui contribue au contraire à les maintenir dans l’ignorance des réalités sociales et économiques.
La gauche que je ne goûte guère non plus, c’est la gauche compassionnelle, la gauche de l’excuse « sociologique ».
Celle qui, sous prétexte qu’un contexte social défavorable a entouré l’auteur d’un méfait, prétend ou laisse entendre que ses actes ne lui sont pas entièrement imputables. Qu’il faut d’une certaine façon que la société partage avec lui une part de responsabilité. C’est confondre explication et excuse. C’est aussi enfermer l’individu dans une destinée écrite à l’avance. Or il est avéré que tous les progrès de l’humanité ont trouvé leur source dans un arrachement d’un sujet de son environnement. Le libre arbitre existe et chaque individu, tout influencé qu’il soit par son histoire personnelle doit pouvoir, et la République, avec son école et ses services publics est un outil idéal pour cela, s’abstraire de son environnement et choisir son propre chemin. La détermination sociale, utile pour analyser les mouvements sociaux, ne s’applique pas mécaniquement aux destins individuels.
Parlons enfin de la « gauche » communautariste et repentante. Cette « gauche » qui hait la France et vomit la Marseillaise et le drapeau, symboles pour elle, dans une confuse dialectique anachronique, du colonialisme et du nationalisme.
Cette « gauche » qui partage avec la droite catholique et l’imbécilité jihadiste, le rejet de la laïcité.
Qui admet dans ses listes de candidats aux élections des femmes voilées.
Qui pense que l’interdiction du voile chez les fonctionnaires est une mesure islamophobe.
Qui ne trouve rien à redire à manifester avec des intégristes musulmans dans des manifestations soi-disant en faveur du peuple palestinien, manifestations infestées de slogans antisémites.
Cette « gauche » de la repentance pour qui tous les malheurs du monde ont leur source dans la colonisation,
Qui porte plainte contre un historien réputé parce qu’il a écrit que l’esclavage dans l’histoire n’avait pas existé seulement dans le monde occidental,
Cette « gauche » repentante qui, au lieu de se servir de l’Histoire de l’esclavage et de la colonisation comme d’un outil pour bâtir un monde ouvert et une société métissée de citoyens égaux quelque soient leur origine, leur couleur de peau ou les faits et gestes de leur lointains ancêtres, veut enfermer les descendants des esclaves dans un statut de victimes perpétuelles, opprimés par les descendants des « bourreaux »,
Cette « gauche » enfin qui voit la République, outil d’émancipation par excellence, dont les valeurs et les symboles sont reconnus comme tels sur toute la planète, comme le moyen d’oppression coloniale des immigrés et descendants d’immigrés.
Je conclurai en rappelant qu’hélas, la prise de distance avec les valeurs patriotiques n’existe pas que dans cette extrême gauche marginale et globalement assez ridicule. On la trouve aussi chez de nombreux citoyens de gauche, chez des militants raisonnables, et jusqu’au sein de la gauche modérée. Il n’y a pas si longtemps qu’un Chevènement se faisait traiter de quasi fasciste parce qu’il exaltait avec raison les valeurs patriotiques et républicaines.
La rupture d’une partie de la gauche avec la Nation remonte sans doute à la boucherie que fut la première guerre mondiale. Une grande partie de la gauche s’est alors tournée vers le pacifisme et la méfiance envers les nations, fauteuses de guerre. Malgré l’épopée de la Résistance et de la France Libre et le renouveau patriotique qui l’accompagna, cette méfiance envers les Nations s’est retrouvée recyclée dans la construction européenne, et de façon plus ou moins consciente, la gauche a cessé d’exalter les valeurs patriotiques. Mai 68 et ses suites n’ont fait qu’aggraver le phénomène.
La gauche a ainsi laissé la patrie et ses symboles à la droite et même à l’extrême droite. On a oublié que ces symboles étaient des symboles républicains, révolutionnaires, porteurs de valeurs progressistes, et non de nationalisme et de haine des étrangers.
Il est donc grand temps de retirer au Front National, parti de la haine, de la division, de l’inégalité, le droit de se revêtir de ces symboles qui sont antinomiques à sa nature.
Et il est temps que les partis de gauche et leurs adhérents et électeurs cessent de raconter et de croire à des sornettes et se réapproprient la République et la France, le drapeau français, symbole d’unité des français et la Marseillaise, chant d’émancipation – et comprise comme telle par les révolutionnaires du monde entier.